8 mars > Essai France > Hélène Bekmezian

Le titre n’a rien à voir avec Penelope Fillon. Et pourtant, on ne peut s’empêcher d’y songer lorsqu’on découvre le passage consacré au travail bien réel des 2 000 attachés parlementaires mal payés et peu considérés. Avec une belle ardeur, non sans humour, Hélène Bekmezian nous immerge dans l’Assemblée nationale avec ses 577 députés et autant de personnalités. Un lieu unique où la démocratie prend des airs de cour de recréation avec ses rites, ses comportements, ses caractères. "Le Parlement a ceci de particulier qu’il est le seul lieu de vie physique de la politique française." A l’Elysée ou dans les ministères, la politique s’exerce dans les bureaux, pas dans les couloirs, à la buvette ou à la tribune. Au Palais-Bourbon, elle se déploie parfois dans ses outrances verbales, dans sa misogynie à peine voilée, mais surtout dans sa vigueur, avec une énergie d’autant plus visible quand les médias sont présents.

Rédactrice en chef adjointe du site Lemonde.fr, Hélène Bekmezian a suivi pendant plusieurs années l’Assemblée nationale pour le quotidien. Son enquête de terrain est donc nourrie d’une parfaite connaissance du milieu. Elle y ajoute sa touche personnelle, ses remarques et ce ton qui prend la politique au sérieux tout en montrant que certains élus ne le sont pas toujours. Ainsi Henri Guaino qui ferraille contre le mariage pour tous avant de voter pour en se trompant de bouton, ou qui écrit une proposition de loi "tendant à la suspension des poursuites engagées par le parquet de Paris contre M. Henri Guaino, député", texte non adopté mais qui fit bien rire ses collègues.

Dans ce monde à part, les lobbies et les jeux d’influence s’exercent à travers de multiples associations, du club Vive le foie gras ! au groupe France-Syrie pro-Bachar Al-Assad. Hélène Bekmezian explique la manière dont les votes se déroulent, la fonction des commissions, la fabrique des amendements et les différents procédés d’obstruction pour retarder l’adoption d’un texte. Elle compatit avec les "députés Darty" qui doivent faire le service après-vente de la politique du gouvernement, surtout quand ce dernier use du 49.3 en les renvoyant au rôle de godillot.

Entrer au Parlement ne suffit pas. Il faut aussi savoir en sortir, c’est-à-dire entrer au gouvernement. Hélène Bekmezian indique la procédure à suivre et cite le mot de François Goulard après son limogeage : "Etre ancien ministre, c’est s’asseoir à l’arrière d’une voiture et s’apercevoir qu’elle ne démarre pas." Dans sa typologie savoureuse des orateurs en séance, elle cite le scolaire, le citeur, l’inspiré, le lyrique ou l’humoriste représenté par Jean Lassalle qui avait fait plier de rire les rares députés présents lors d’une séance de nuit en racontant comment il avait raté deux fois l’examen du permis de conduire.

J’irai dormir à l’Assemblée n’est pas une charge contre la politique. Au contraire, cette visite du Palais-Bourbon devrait réveiller en chaque citoyen l’ardeur démocratique qui passe par un geste simple : le vote.

Laurent Lemire

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