La mort de Christian Bourgois

Christian Bourgois (c) O. Dion

La mort de Christian Bourgois

Figure incontournable de l'édition, Christian Bourgois s'est éteint le 20 décembre à 6 heures du matin. Agé de 74 ans, il souffrait d'un cancer depuis de longs mois. En 40 ans de carrière, il aura publié plus de 2 000 titres, dont ceux de Vian, Tolkien, Morrison et Rushdie. Il a créé la collection 10/18, marié Gault et Millau et participé à de nombreuses institutions culturelles.

Par Daniel Garcia,
avec dg Créé le 15.04.2015 à 22h43

« Etre éditeur, c’est publier des livres que les gens n’ont pas envie de lire », nous avait déclaré Christian Bourgois, citant l’éditeur allemand Fischer, dans l’entretien qu’il nous avait accordé le 4 mai dernier. Lui qui avait fêté, en 2001, ses quarante ans de carrière sous son nom, aura publié près de deux mille titres, dont un certain nombre que des générations successives de lecteurs se transmettent et continueront de se transmettre avec ferveur. De Boris Vian, qu’il a rendu accessible à un très large public, à Toni Morrison, qu’il découvrit pour la France, en passant par Richard Brautigan, Martin Amis et tant d’autres, c’est peu de dire que Christian Bourgois communiqua cette « envie de lire » qui l’animait lui-même, et qu’il cultiva jusqu’au bout de son éprouvante maladie.

Né en 1933, à Antibes, dans un milieu de bourgeoisie aisée et cultivée, sa rencontre avec René Julliard, en 1954, invité dans la maison de ses parents, fut déterminante. Cinq ans plus tard, rompant un parcours scolaire brillant commencé à Louis-le-Grand et poursuivi à Sciences-Po, il démissionne de l’Ena et rejoint Julliard comme conseiller littéraire. Après la disparition de son mentor, Bourgois apparaît très vite comme l’une des étoiles montantes de l’édition française. Accumulant récompenses parisiennes (le Goncourt pour Armand Lanoux), succès de librairie (le Dien Bien Phû de Jules Roy) et bonnes idées (le « mariage » d’un certain Henri Gault avec un certain Christian Millau), il mène une carrière atypique au sein du groupe des Presses de la Cité, qui ont racheté Julliard, et qu’il ne quittera que près d’une trentaine d’années plus tard, pour recommencer pratiquement de zéro, en totale indépendance.

Christian Bourgois, ce fut encore la collection « 10/18 », qui imposa l’idée que le poche pouvait aussi être un livre de facture élégante. Mais également la publication des Versets sataniques de Salman Rushdie, alors qu’une fatwa était lancée contre l’auteur et son éditeur parisien. Cela a été encore le soutien puissant à l’IMEC, et la participation à de multiples organisations et institutions culturelles, du SNE à Beaubourg, en passant par la BNF et le CNL, ou même le CNC (Centre national de la cinématographie), au sein duquel il dirigea plusieurs années la Commission d’avance sur recettes. « Etatiste culturel », comme il se définissait lui-même, Christian Bourgois restera comme l’une des figures les plus importantes de l’édition française de la seconde moitié du XXème siècle, mais son aura dépassait largement les frontières de l’Hexagone : la foire du livre de Guadalajara (Mexique) venait de lui décerner le 'Merito Editorial' 2007.

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