Histoire/France 20 février Jean-Yves Le Naour

Faire la guerre n'est pas facile, mais trouver la paix semble plus compliqué encore. Surtout après un conflit aussi violent et destructeur que 14-18. Dans ce récit, Jean-Yves le Naour revient sur les tractations qui ont accompagné la signature du traité de Versailles. Entre le président américain Wilson, qui se prend pour le messie, et Lénine, qui se voit en Moïse du prolétariat, le vieux Clemenceau s'inquiète du sort qui sera fait à l'Allemagne, et donc à la France, d'autant que les Anglais jettent de l'huile sur le feu. Le grand économiste Keynes - il fera amende honorable par la suite -, présente la France comme un vampire suçant le sang d'une Allemagne vaincue condamnée à la misère. Or, explique Le Naour, « la France est initialement prête à de grands accommodements pourvu qu'on relie le problème des réparations à celui de la dette ».

Sous sa plume, sans notes, nous suivons les combines, les atermoiements et les renoncements. Durant six mois une centaine d'experts s'activent dans la cuisine versaillaise pour aboutir à 440 articles qu'il faut faire signer. Quelques-uns, plutôt à gauche, y voient « l'Évangile d'un nouveau monde ». Le Tigre est circonspect. Il sait combien il est facile de faire vieux avec du neuf. Pendant ce temps, la guerre continue, dans les Balkans, entre les Grecs et les Turcs, dans la Hongrie envahie ou en Russie soviétique qui devient URSS en 1922. La compétition franco-britannique contribue à redistribuer les frontières au Proche-Orient mais « la carte de l'Europe est dans l'après-guerre bien plus favorable aux Allemands qu'aux Français ».

Par cette immersion Jean-Yves Le Naour donne à son évocation des lumières crues qui font penser à celles de L'ordre du jour d'Eric Vuillard, avec ces puissants qui marchandent sur des tables. Cette histoire diplomatique, fort bien racontée, ne dit rien des populations qui ont vécu ces sorties de guerre, leur difficile reconstruction dans des paysages ravagés, dans des familles exsangues et sans hommes. Avec ce livre, il boucle son histoire de la Première guerre mondiale, mais il montre surtout comment la haine mijote à feu doux jusqu'à la prochaine explosion. Les Français voulaient sortir de la guerre, ils n'ont pas trouvé la paix.

Jean-Yves Le Naour
1919-1921 : Sortir de la guerre
Perrin
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 25 euros ; 560 p.
ISBN: 9782262076207

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