Nancy fêtait les 30 ans du Livre sur la place ce week-end. La foule, s'est à nouveau pressée pour assurer un succès public à cette manifestation littéraire. Mais quelle place occupe le livre dans cet événement qui ressemble à de nombreux autres dans toute la France ? Le Livre sur la place c'est un immense chapiteau avec des tables garnies de livres derrières lesquels sont installés des auteurs (400 annoncés). C'est aussi une formidable cohue, une foule qui se presse et dont le flux doit être parfois régulé par un service d'ordre tellement elle est compacte ! Dans ces conditions, le livre ne peut qu'exceptionnellement être feuilleté ou lu. Comme contenu à découvrir, le livre est donc largement absent du Livre sur la place ! Est-ce à dire que le livre n'occupe aucune place ? En réalité, il est présent comme support collectif et comme objet personnel. Comme les autres salons du livre, le Livre sur la place apparaît comme un formidable moment de rassemblement collectif autour d'un support physique simple et très varié. Ces deux caractéristiques du livre offrent la possibilité de réunir des catégories de population assez variées (personnes âgées avides de lectures sur l'histoire de la région, lecteurs avisés de littérature, jeunes fans de BD, parents avec de jeunes enfants, etc.). L'effervescence observable n'est donc pas proprement littéraire mais certainement collective. Les citoyens se retrouvent au-delà de ce qui les distingue et le livre est le support (le prétexte ?) à cette réunion. On célèbre le livre et encore plus sa capacité à nous rassembler. Mais la capacité du livre à produire ce résultat est aidée par la figure de l'auteur et l'aura médiatique. On vient aussi voir les auteurs et personnalités médiatiques (la venue de Roger Hanin lors d'une précédente édition avait suscité des mouvements de foule...). Les visiteurs, par la présence de ces figures médiatiques, prennent part à une vie valorisante. Ils n'assistent pas aux actualités mais sont dans cette actualité dont les médias (pas seulement locaux) rendent compte. Certains immortalisent d'ailleurs ce moment qui devient historique par des photos des auteurs (ou mieux avec eux) ! La place du livre (comme contenu) paraît bien faible dans cette situation pourtant elle est essentielle : le livre est le prétexte qui a rendu possible cette effervescence, cette régénérescence collective. Mais dans le chaos de la foule, le livre est parfois le lien aiguë entre un lecteur et un auteur. Dans ce brouhaha, un dialogue singulier peut s'instaurer. L'échange peut-être plus pudique et se réduire à une demande d'autographe qui ne doit pas cacher dans certains cas un besoin de communication étroite entre lecteur et écrivain. Le premier choisit « son » auteur, lequel devient élu au sens où il a été choisi. L'auteur devant lequel nul ne s'arrête peut souffrir de ce défaut d'élection. C'est que l'échange représente un moment important : l'auteur est reconnu comme tel par le lecteur qui choisit librement son livre et son auteur. Seules ses qualités personnelles, littéraires ont présidé à leur rencontre. Nombre d'auteurs doivent être avides de ces situations. Leur travail d'écriture n'est pas seulement pour un lecteur théorique... Le lecteur (plus souvent la lectrice) prend un visage... Le livre remplit donc une fonction de cohésion sociale et de support d'une relation interpersonnelle. Il est donc moins aimé pour lui-même que pour ce qu'il permet. Nul doute que ces fonctions assureront encore assez longtemps son avenir ! 30 ans ?  
15.10 2013

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