4 janvier > Roman France > Michel Bernard

Michel Bernard, ainsi que ses livres précédents l’ont démontré à l’envi - notamment Les forêts de Ravel et Deux remords de Claude Monet, parus à La Table ronde en 2015 et 2016 -, s’est forgé comme spécialité de prendre un personnage illustre, ici, Jeanne d’Arc, et de revisiter tout ou partie de son histoire, avec un éclairage très personnel, très immédiat. Comme s’il y était, le lecteur se retrouve au cœur de l’intrigue, témoin embarqué, emporté par la verve et le talent de conteur du romancier.

Bernard, donc, qui a renoncé à sa carrière dans la préfectorale pour se consacrer à son travail d’écrivain, nous plonge dans l’action dès la première ligne de son roman. On est à Vaucouleurs, chez le sire de Baudricourt, en 1429. Le modeste seigneur, qui a fort à faire pour préserver son domaine du Barrois, aux marches de la Lorraine, des assauts des Bourguignons, vient de voir débouler dans son château une gamine illuminée, qui prétend que ses "voix" lui ont ordonné de "bouter les Anglois hors de France", et de faire couronner roi, en la cathédrale de Reims, selon la tradition depuis Clovis, le dauphin Charles de Valois, sous le nom de Charles VII. Il se trouve que la jeune Jeanne, 17 ans à l’époque, possédait une force de conviction peu commune, et avait gagné à sa cause déjà pas mal de monde autour de chez elle, à Domrémy. Baudricourt accepte de la faire chevalier, de lui donner une escorte (Jean de Metz, premier fan de la Pucelle, plus six hommes), de participer à son équipement (ça ne s’appelait pas encore du "crowdfunding"), et l’envoie trouver le dauphin, qui réside à Chinon. Il lui écrit même une lettre. Coup de pouce décisif.

A partir de là, la suite est bien connue, et la trajectoire de Jeanne météorique. Elle rencontre et subjugue Charles, se fait son capitaine, délivre pour lui, à la tête de ses jeunes et braves compagnons, Jean de Metz, Jean, duc d’Alençon, Gilles de Rais ou La Hire, Orléans assiégée par les Anglais, et, enfin, le fait sacrer roi à Reims, le 17 juillet 1429. Cette partie de la geste est contée par Michel Bernard de façon épique, à grandes guides, comme si l’on guerroyait aux côtés de Jeanne. Sa joie de vivre, son humour, son intelligence, sa foi fervente.

Et puis vient le côté sombre. Oubliée par son roi, elle se sent inutile, échoue devant Paris, est blessée. Au fond d’elle-même, surtout, elle sait que son destin est accompli, que la mort l’attend, et que ce félon de Jean de Luxembourg, qui la capture à Compiègne en mai 1430 et la vend aux Anglais, n’en sera que le triste instrument. Jusqu’à sa mort, le 30 mai 1431, La Hire essaiera de la faire évader. Charles VII, lui, n’a rien tenté pour la sauver, cette Jeanne, martyre puis sainte, aujourd’hui dépoussiérée et ressuscitée.                       Jean-Claude Perrier

17.11 2017

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