Contrat

La rémunération au forfait (1/2)

La rémunération au forfait (1/2)

L’éditeur doit garder en mémoire que l’ensemble du contrat sera déclaré nul en l’absence d’une rémunération proportionnelle.

Le principe de la rémunération proportionnelle - c'est-à-dire concrètement le pourcentage sur le prix public hors taxes du livre - demeure dominant dans toute relation entre un auteur et son cocontractant. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit cependant quelques rares exceptions en vertu desquelles il est possible de verser aux auteurs une rémunération forfaitaire ; sous réserve de maîtriser les limites juridiques de l’exercice, comme une éloquente décision de la Cour d’appel de Paris, rendue le 17 novembre 2020, vient de le rappeler. 
         
Le litige concernait une illustratrice de gommettes payée au forfait et qui, au vu du succès et des réimpressions, avait obtenu, par avenant, un forfait complémentaire. Et c’est à la suite d’une nouvelle demande de négociation restée sans suite qu’elle avait assigné aux fins d’être rémunérée proportionnellement.

Rappelons en effet que la proportionnalité, c’est-à-dire le fait d’être payé au pourcentage et non au forfait, demeure le principe dominant de la rémunération des auteurs. L’article 132-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) énonce :
 

« Le contrat peut prévoir soit une rémunération proportionnelle aux produits d’exploitation, soit, dans les cas prévus aux articles L. 131-4 et L. 132-6, une rémunération forfaitaire. »
Et l’article L. 131-4, qui concerne plusieurs types de contrats, dont le contrat d’édition, dispose:
« La cession par l’auteur de ses droits sur une œuvre (…) doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation.
« Toutefois la rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants:
« 1° La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée;
« 2° Les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut;
« 3° Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre;
« 4° La nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit que l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité;
« 5° En cas de cession des droits sur un logiciel;
« 6° Dans les autres cas prévus au présent code. »

D’une rédaction sinon obscure du moins maladroite, cet article commence par poser le principe de la rémunération proportionnelle aux recettes de la vente, qui désigne ici le droit de reproduction, et de l’exploitation, qui vise le droit de représentation. L’auteur aura donc vocation à recueillir un pourcentage sur chacun des modes d’exploitation de son œuvre. L’éditeur doit garder en mémoire que l’ensemble du contrat sera déclaré nul en l’absence d’une rémunération proportionnelle.

Ce principe d’une rémunération proportionnelle, introduit par la loi de 1957 dont le CPI est l’héritier, n’est pas rétroactif. Il n’affecte pas les contrats conclus avant le 11 mars 1958 (date d’entrée en vigueur de la loi). L’auteur qui, avant cette date, a conclu sur la base d’une rémunération forfaitaire ne peut donc prétendre aujourd’hui recevoir un pourcentage sur les ventes ou autres exploitations de son livre.

Un cas concerne les éditeurs

Quant aux cas de possible rémunération forfaitaire énumérés par l’article 131-4, seul le 4° intéresse directement les éditeurs. En effet, par « base de calcul » indéterminable (1°), il faut entendre les situations où l’on ne peut mesurer l’audience de l’œuvre. Cela ne concerne a priori pas l’édition. Il en va de même pour le « défaut de moyens de contrôler l’application de la participation » (2°), dont l’exemple classique reste le juke-box. Le coût trop onéreux des « opérations de calcul » (3°) n’intéresse pas non plus les éditeurs. En revanche, l’impossibilité d’application de la règle en raison de la « nature » ou des « conditions de l’exploitation » (4°) répond bien à des situations communément rencontrées par les éditeurs. Il s’agit là des œuvres collectives, des préfaces ou encore des articles d’une revue.

L’éditeur de livres de gommettes plaidait l’appartenance de son illustratrice à l’un des cas visés par l’article 131-4, en l’occurrence « l’impossibilité de fixer une assiette de calcul pour la rémunération », car « même si les ouvrages étaient vendus à un prix librement fixé par le revendeur, avec une TVA supérieure à celle appliquée aux livres, l’éditeur avait la possibilité de connaître le prix de vente public et le montant des ventes de sachets de gommettes ».

Il est surtout à noter que ces possibilités de rémunérer l’auteur au forfait ne valent que pour la première édition.

Conversion possible

Soulignons encore que l’article L. 131-4 prévoit in fine par la faculté de convertir une rémunération proportionnelle en rémunération forfaitaire et ce, pour tous les contrats : « Est également licite la conversion entre les parties, à la demande de l’auteur, des droits provenant des contrats en vigueur en annuités forfaitaires pour des durées à déterminer entre les parties. » 

Mais cette conversion forfaitaire ne concerne que des contrats déjà en vigueur. Elle ne peut donc intervenir qu’après un temps suffisant pour que l’auteur puisse juger de l’importance de ses revenus. Il sera alors à même d’accepter ou non un tel changement dans sa rémunération. Il faut enfin remarquer que cette conversion ne peut être permanente, sa durée d’application devant être « déterminée ».
 
(à suivre)
 

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