6 juin > Premier roman France

Simon-Pierre Hamelin- Photo DR/LA DIFFÉRENCE

Par hasard, Simon-Pierre Hamelin, écrivain migrateur qui a séjourné en Inde et en Russie avant de s’installer à Tanger où il réside toujours, semble-t-il, a découvert qu’il avait vécu toute son enfance dans la maison même où l’illustre poétesse Marina Tsvetaïeva (1892-1941) et sa famille avaient habité à partir de 1931, soit la période la plus dure de leur exil parisien. 101, rue Condorcet, à Clamart, dans un « faux bourg », banlieue cosmopolite au-delà des « fortifs » où se coudoyaient prolétaires autochtones, descendants de communards, Russes blancs - comme l’époux de Marina, Sergueï Efron, ex-cosaque du Don poitrinaire -, « youpins », Arméniens, quelques Tatares, et même un Chinois, à l’entrée du bureau de poste.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Aussi a-t-il eu envie de reconstituer cet épisode de la vie de la poétesse, à sa façon, lyrique, et au cœur même de la folie visionnaire de Marina. Outre son tædium vitæ, le principal problème de la famille - les parents et leurs deux enfants, Alia l’aînée, et le petit Mour, 8 ans à l’époque -, c’est l’argent. On vit dans un gourbi qui sent le chou et le tabac froid, on redoute la venue de l’impitoyable huissier. Laquelle se produit, d’ailleurs, à la fin du livre, quand Marcel Doureau, un clerc, se présente pour saisir ce qui peut l’être encore. Mais Marina, offrant tous les charmes de l’hospitalité russe, plus quelques bouteilles de vodka, parvient à se concilier l’homme de loi, lequel compatit et en vient à oublier sa triste mission. C’est lui qui le raconte, d’ailleurs, dans ce petit livre polyphonique où chacun des protagonistes prend tour à tour la parole et la plume. Marina, elle, ne cesse de noter, dans ses Cahiers bleus, des pensées comme « être vaut mieux qu’avoir », et d’évoquer le souvenir du grand Maïakovski, « le poète que l’on a suicidé » en 1930.

Déjà, Marina et Sergueï songent au retour dans la mère patrie, tout plutôt que la misère loin de chez soi. Même s’ils devaient y risquer leurs vies. Et c’est ce qui se produisit. Revenue en URSS en 1939, la famille Efron voit le père et la fille déportés, le fils partir pour le front. Marina, elle, accablée, se suicide en 1941.

Par-delà le temps, Simon-Pierre Hamelin a souhaité rendre hommage à cette femme dont le hasard l’a fait se sentir particulièrement proche, s’identifiant même au jeune Mour, lorsqu’il avait 8 ans et vivait dans la grisaille et les « horizons bas » de Clamart, et célébrer sa revanche d’écrivain immortel sur la fatalité et la barbarie. Pari réussi, avec ce roman atypique, dense et habité.

J.-C. P.

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