15 août/Roman/France Jean-Philippe Blondel

Ce quinzième roman du très discret Jean-Philippe Blondel, toujours prof d'anglais près de Troyes, est proche de ses précédents, par l'inventivité, l'empathie pour les personnages, la tendresse, une certaine nostalgie, et ce style inimitable, finement pince-sans-rire, qui réjouit ses lecteurs fidèles. Il a cependant quelque chose de différent : plutôt qu'une seule histoire, centrée autour d'un ou deux héros, le romancier s'est lancé dans ce qu'on pourrait qualifier de « fresque sociale », même si ça fait un peu prétentieux et revendicatif, ce que le livre n'est pas. Et même si, comme tout se passe dans le milieu scolaire, de la maternelle au collège du groupe Denis-Diderot - sis quelque part près de Langres, suppose-t-on, puisque c'est là qu'est né l'illustre encyclopédiste -, « on est de gauche », dit à un moment l'un des protagonistes. Logique, sous Giscard et Raymond Barre, en 1975, pour des enseignants.

Ce qu'il y a de particulier, dans cette histoire, c'est que toutes les familles, les Goubert, Lespinasse, Lorrain, Coudrier et autres, vivent en vase clos. Les uns dirigent les autres, qui enseignent à leurs enfants. Au début, les gamins ont une dizaine d'années, les filles font à peine leur entrée à Diderot, « au compte-gouttes » et progressivement (d'abord la maternelle), ce qui n'empêche pas ce lourdaud de Philippe Goubert de se trouver illico une amoureuse, Nathalie Lespinasse. Et comme le roman est construit en boucle, c'est encore sur Goubert qu'il s'achèvera, quatre ou cinq ans plus tard.

Mais les rapports entre les copains de la petite bande - Baptiste Lorrain, qui vient de perdre son père, le directeur « réac » qui avait eu bien du mal à s'adapter aux nouvelles méthodes pédagogiques Freinet prônées par sa hiérarchie et incarnées par ce Florimont qu'on lui avait mis dans les pattes, « une taupe de l'inspecteur », Philippe Goubert, Christian Coudrier, plus les Ferrant et les Lespinasse - ont bien changé. Tout ce petit monde est entré dans l'adolescence, autant dire un autre univers. Plus rien à voir avec le microcosme franchouillard des débuts, harmonieux en dépit des quelques antagonismes inévitables au sein de tout groupe humain. Michèle Goubert « renouerait » bien avec Charles Florimont, avec qui elle a flirté jadis. Et ça marche, pour le plus grand plaisir de Geneviève Coudrier, laquelle espionne tout le monde et tient un journal plein de ses ragots. Rien de bien méchant. C'est un peu Clochemerle. Le seul vrai drame, c'est quand Reine Esposito, la femme de service, perd la raison après que son fils s'est noyé lors d'une baignade en rivière.

La vie, la mort ne tiennent qu'à un fil. C'est ce à quoi Philippe Goubert, métamorphosé à la fin du livre, repense à propos du début de toute cette aventure. Et c'est ainsi que Blondel a bouclé sa boucle.

Jean-Philippe Blondel
La grande escapade
Buchet-Chastel
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 18 euros ; 272 p.
ISBN: 9782283031506

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