Salon du livre de Montréal

L'âge d'or de l'édition québécoise

Lors de l'inauguration du Salon du livre de Montréal 2024, Geneviève Pigeon, présidente de l'ANEL, prend la parole - Photo Marie Fouquet

L'âge d'or de l'édition québécoise

Ces dernières années, la littérature québécoise se distingue dans le paysage éditorial mondial. Au Salon du livre de Montréal, différents acteurs nous expliquent de quoi ce paysage est constitué et comment, depuis une vingtaine d'années, le travail politique et créatif mené pour défendre et faire rayonner la littérature québécoise porte aujourd'hui ses fruits.

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Par Marie Fouquet à Montréal,
Créé le 30.11.2024 à 20h03 ,
Mis à jour le 03.12.2024 à 13h06

Cette année 2024 a vu le Québec mis à l'honneur dans plusieurs grandes manifestations littéraires en France : le Festival du livre de Paris, Étonnants Voyageurs à Saint-Malo, le Festival international de la BD à Angoulême… autant d'événements qui montrent à quel point les littératures de la Belle Province ont le vent en poupe.

Un marché québécois ultra dynamique

Du côté du territoire canadien, à Montréal, où se déroule comme chaque année le Salon du livre de Montréal, on observe depuis une quinzaine d'années de grandes transformations dans un paysage éditorial qui ne cesse de s'ancrer davantage et de confirmer son succès. « La littérature québécoise va très bien », confirme Geneviève Pigeon (présidente de l'Association nationale des éditeurs de livres du Québec, l'ANEL, et éditrice à L'instant même), même si elle concède qu'il « faut rester vigilant ». En effet le marché du livre à Québec est à la hausse, mais les coûts de transport et de distribution sur un si vaste territoire, restent un enjeu majeur, au même titre que les budgets alloués à la culture qui menacent d'être coupés selon les prochaines évolutions politiques.

Il y a encore 20 ans, la production française était largement représentée – à hauteur de 80 % –, tandis que l'offre québécoise, souvent jugée « ringarde » ou régionaliste, ne représentait que 20 % de son propre marché. Cela a aujourd'hui bien changé : 50 % des ventes sont assurées par l'édition québécoise. « De grands noms québécois comme Kev Lambert (Héliotrope) ou Sébastien Dulude (La Mèche) n'existaient pas en tant que tels il y a encore quelques années », rappelle Geneviève Pigeon.

En jeunesse et en poésie, une offre qui explose

Gilda Routy et Marine Gurnade, respectivement responsable du développement et directrice relations éditeurs & stratégies commerciales chez Gallimard Diffusion, observent elles aussi, depuis plus de 15 ans, une scène et une production littéraires en expansion avec « une explosion de créations de petites maisons d'édition (La Peuplade, Héliotrope, La Pastèque, Pow Pow…) qui ont voulu renverser les institutions avec une approche plus orale, intimiste et engagée. » Ces créations s'inscrivent dans la lignée de maisons créées dans les années 1990-2000 comme Écosociété, L'Oie de cravan, ou encore Lux.

Du côté des librairies, on perçoit une offre riche et variée de littératures qui se développent dans tous les segments éditoriaux : en jeunesse, le marché a littéralement explosé, en bande dessinée, en sciences humaines, notamment avec les essais sur les identités non blanches, les féminismes, mais aussi la poésie, dont le rayonnement n'a pas sa pareille en France et qui devient un marché de haute importance qui influence de plus en plus la création française.

Lectures et performances

Georges Thomas, libraire au Port de tête à Montréal, constate le fort intérêt du public montréalais pour les performances, les lectures de textes poétiques. « Dans notre librairie, c'est l'espace qui fonctionne le plus, proportionnellement à la place qu'on lui réserve. » Pour exemple, la poésie connaît un tel succès que le prestigieux prix littéraire du gouverneur général a récompensé la poétesse Névé Dumas pour son sublime titre Poème dégénéré, publié aux éditions de L'Oie de Cravan.

Même constat du côté de la jeune librairie Un livre à soi, où Olivia Sofia et Léo Loisel confient : « On tient à donner à voir et à entendre la diversité et le dynamisme d'une littérature qui a pris beaucoup d'ampleur depuis dix ans. »

Ces librairies, qui accueillent jusqu'à trois événements, rencontres, lectures, par semaine, sont devenues les lieux où vivent la littérature, au côté de quelques adresses qui ouvrent leur scène à la poésie ou aux performances littéraires comme le Quai des Brumes ou encore le Bistrot de Paris.

Se développer tout en conservant les liens historiques avec la France

Comme l'explique Geneviève Pigeon, Ce succès est le résultat des efforts politiques qui ont été menés ces vingt dernières années pour promouvoir et favoriser la création littéraire québécoise et en particulier francophone : les aides de la SODEC, les bourses d'écriture ainsi que la multiplication d'ouvertures de maisons d'édition et de librairies indépendantes font aujourd'hui rayonner une littérature québécoise qui s'est émancipée du marché français. 

« À une époque, on cherchait à tout exporter en France. Maintenant, et après le Covid qui a renforcé l’idée de la proximité, de plus en plus d'activités se lancent sur le territoire québécois même si l'on continue, toujours, de renforcer nos liens très forts avec le paysage et le marché français », conclut Geneviève Pigeon.

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