1er mars > Roman France > Jean-Marie Rouart

Ainsi que le titre du roman, La vérité sur la comtesse Berdaiev, volontairement énigmatique, l’indique au lecteur, toutes les intrigues vont se trouver centrées, pour le meilleur et le pire la concernant, autour de Maria Berdaiev, une aristocrate russe, fille de la princesse Oborov, en exil en France depuis la révolution, et sans aucun espoir de retour. Nous sommes en 1958. Staline est mort, mais l’URSS et ses services secrets encore bien vivants, et redoutables.

Avant d’épouser le comte Berdaiev, opiomane, ruiné et décédé depuis, Maria avait été actrice, mannequin, coqueluche du Tout-Paris. Aujourd’hui, à 40 ans, elle gagne sa vie - au train fastueux - en peignant des portraits au pastel plutôt conventionnels, mais elle est surtout entretenue par de riches protecteurs. Comme son amant du moment, le président Marchandeau, un socialiste franc-maçon bien de son temps, pressenti pour être le prochain président de la République après René Coty.

On sait bien qu’il n’y parviendra pas. A cause d’une histoire que s’amuse à inventer Jean-Marie Rouart. Compromis dans une sordide histoire de partouze (en compagnie de la comtesse, d’ailleurs), Marchandeau va voir sa carrière torpillée et devoir renoncer. A la manœuvre, un certain Charles de Gaulle, et ses services parallèles, dont l’image en ressort au passage un peu écornée.

Mais ce n’est là que la veine principale d’un flot d’histoires et de personnages, certains mineurs (comme la jeune et délurée Claudine Dumez, celle par qui le scandale arrive), mais nécessaires au bon déroulement de la mécanique imparable imaginée par Jean-Marie Rouart et difficile à synthétiser. Il y a la grande histoire d’amour, la seule peut-être authentique, entre Maria et Eric, jeune journaliste qui finira rédacteur en chef de Combat, déchiré par les "événements" d’Algérie, ou encore - en flash-back - les destinées tragiques de deux jeunes Russes, Anton, le jumeau de Maria, résistant fusillé par les nazis, et son meilleur ami Vassili, qui avait choisi les Allemands contre les Soviets. Ici, la grande Histoire rejoint la petite, et le souffle des événements balaye les êtres humains. C’est dans ces périodes convulsives, dans ces destins brisés que s’épanouissent le talent de Jean-Marie Rouart, son imagination enfiévrée, son style nerveux : "Eric pleura, il voyagea, il connut des moments de désespoir." Stendhal, Morand, Drieu ? Non, Rouart. J.-C. P.

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