13 avril > Roman Etats-Unis > Renata Adler

"Le monde est tout ce qui a lieu […]. Là où il y a des histoires, il y a toujours du sexe, et parfois un danger mortel./Tu veux dire dans les histoires./Je veux dire dans le fait de les raconter. Le sexe, le danger mortel, et parfois, le répit. Pour une femme, on en revient toujours, tu le sais bien, à Schéhérazade. Pour un homme, peut-être que c’est au western, qu’on en revient. Le voilà qui apparaît, à midi, soulevant de la poussière, en route vers son duel."

Pour Kate Ennis, la narratrice de Nuit noire, dans l’indécidabilité du monde, ce qui a eu lieu, c’est l’amour. Au moins, sa possibilité. Depuis huit ans, elle entretient une liaison avec Jake, un homme marié et assez inconséquent, un homme qui a le charme de la cruauté lorsqu’elle est inconsciente d’elle-même. Ils se sont suivis, poursuivis, du Connecticut à New York, d’une île de la côte Est jusqu’à la campagne irlandaise. Kate vient de quitter Jake. Elle l’aime encore. Que lui reste-t-il ? Un kaléidoscope de souvenirs comme autant d’éclats de frustration et de beauté mêlés et l’écriture, moins pour donner du sens à ce qui n’en a pas hors du domaine du désir, mais pour réorchestrer à sa façon son propre désordre. Elle se rapproche ce faisant de sa vérité la plus intime, disséminée tout au long des chemins de traverse de sa vie.

Nuit noire, initialement paru en 1983, est le deuxième roman de Renata Adler, après Hors-bord (L’Olivier, 2014), et aussi son dernier. Si ce court corpus romanesque fait l’objet ces dernières années aux Etats-Unis d’une sensible réévaluation, Adler, bientôt octogénaire, est surtout connue pour son travail de journaliste et notamment de critique de cinéma, dans les pages du New Yorker d’abord, puis dans celles du New York Times. A l’instar de Joan Didion, à laquelle un identique statut d’icône "seventies" ne cessera de l’apparier, elle cultive le goût de l’ellipse, du contre-pied, du style. Que l’on n’attende pas de ce roman la simple démonstration des causes et des conséquences, encore moins toute chronique psychologique ; si c’est l’amour qui le porte, lui donne sa belle énergie, celui-ci est traité comme une vaste toile abstraite. A l’indécision du réel répond celle de la forme. A une époque où il ne semble plus y avoir de roman américain que de "grand roman américain", il est sain de se souvenir d’un temps et d’artistes pour qui il n’y avait de logique qui vaille que dans la forme, la poésie. Olivier Mony

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