Congrès de l'IFLA 2025

Leslie Weir, présidente de l’Ifla : « Nous sommes beaucoup plus puissants quand nous travaillons ensemble »

Leslie Weir, Directrice de la Bibliothèque et Archives du Canada et présidente de l'Ifla en 2025-2027. - Photo DR

Leslie Weir, présidente de l’Ifla : « Nous sommes beaucoup plus puissants quand nous travaillons ensemble »

IA, environnement, démocratie... Alors que le 89congrès de l'Ifla s'ouvre le 18 août à Astana, au Kazakhstan, la présidente de l'organisation Leslie Weir revient sur les enjeux qui animeront l'événement. 

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Par Fanny Guyomard
Créé le 16.08.2025 à 15h12

Le 89e congrès annuel de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (Ifla) se tiendra du 18 au 22 août dans la capitale du Kazakhstan, Astana. Au programme : intelligence artificielle, réchauffement climatique, protection de la démocratie… Sa présidente pour 2025-2027, Leslie Weir, détaille les enjeux d'une manifestation pour la première fois organisée en Asie centrale.

 

Livres Hebdo : Pourquoi Astana ?

Leslie Weir : Nous n'avons jamais eu de congrès dans cette région du monde. C’est l’occasion de mieux la connaître, de visiter ses bibliothèques, d’échanger nos savoir-faire. Et de permettre à des collègues de participer plus facilement au congrès. Quand celui de 2018 s’est tenu à Kuala Lumpur, une quarantaine de participants venaient de Malaisie, et sont toujours engagés dans l’association : se rendre dans une diversité de pays augmente la visibilité de l’organisation et l’engagement de nouvelles personnes.

Le format innove-t-il ?

Les prochains congrès seront davantage interactifs, à travers des ateliers où chacun pourra prendre la parole. Nous réfléchissons par ailleurs à enregistrer ou non le congrès en vidéo. Pour celui de Rotterdam, peu de spectateurs ont visionné les retransmissions, alors que le dispositif coûte cher.

L'une des thématiques récurrentes : l’IA. Comment les bibliothèques ont-elles avancé dans leurs réflexions et leurs actions ?

Nous allons le voir ! Les bibliothèques abordent cette question de deux manières : utiliser l’IA pour améliorer l’expérience des usagers (aider par exemple à répondre immédiatement à leurs questions, retranscrire automatiquement les métadonnées des documents…), et d’autre part protéger l’information que les IA tordent (les fake news), accompagner les citoyens face à ces outils aux décisions opaques. Le congrès permettra de partager nos expériences, sur les forces et faiblesses de l’intelligence artificielle.

L’une des faiblesses de l’IA : elle consomme beaucoup d’énergie…

C’est un autre grand sujet porté par l’Ifla : la protection de l’environnement. Ce qui suppose des calculs pour faire des choix raisonnés : est-il par exemple préférable qu’une personne prenne l’avion pour venir à Ottawa voir nos collections, ou bien de les rendre disponibles en ligne, avec toute l’énergie que cela demande ? Il faut trouver un équilibre, utiliser ces outils seulement quand c’est nécessaire.

Mais vous vous inscrivez dans une situation idéale où la bibliothèque est maîtresse de ces décisions ; or, vous dépendez de politiques qui ne sont pas de votre ressort. Penchons-nous sur le cas étasunien : les bibliothèques sont-elles suffisamment fortes face à des rouleaux compresseurs comme l’administration Trump qui censure des sites gouvernementaux scientifiques ? Des bibliothèques répliquent, mais se voient couper les vivres. Que peut faire l’Ifla ?

La situation aux États-Unis est difficile pour les bibliothèques, que nous devons soutenir. J’ai par exemple choisi d’assister au congrès de l’Association des bibliothèques américaines – ça a été un débat. Nous pouvons également inviter nos collègues américains, pour qu’ils témoignent de la situation. On est beaucoup plus puissants quand on travaille ensemble, et en prenant du recul en comparant les situations d’un pays à l’autre.

« Les relations sont complexes entre les éditeurs et leurs clients bibliothécaires »

Quand on regarde par le passé, les bibliothèques traversent des vagues de censure – pensons aux comics censurés dans les années 1950, car les enfants allaient devenir des criminels ! On doit s’assurer de garder une autonomie financière et politique, que notre rôle ne change pas à chaque nouvelle administration. Concrètement, on vient d’avoir des élections au Canada, le premier ministre établit les priorités, et les bibliothèques et archives vont aider à les mener, mais on doit s’assurer qu’on garde les collections sans appliquer de censure. La bibliothèque d’État de Toronto est en train de créer un centre démocratique avec des informations et débats et informations qui discutent des forces et des faiblesses des démocraties, les menaces qui pèsent sur elles.

Autre sujet politique : des rencontres sont prévues entre bibliothécaires et éditeurs pour promouvoir la science ouverte. Les enjeux financiers peuvent être conséquents, et les négociations tendues. Qu’est-ce qui peut se jouer durant ce congrès ?

Les relations sont complexes entre les éditeurs et leurs clients bibliothécaires. Ceux-ci réclament que l’information soit disponible si elle a été financée avec de l’argent public, mais il faut aussi s’assurer qu’il y ait un modèle économique pour les maisons qui fournissent un travail d’édition. Nous sommes interdépendants, donc c’est important de créer plus d’occasions pour se parler et trouver des terrains d’entente, notamment sur les données de la recherche.

Les congrès internationaux donnent aussi l’occasion, entre bibliothécaires, de comparer les méthodes d’une région à l’autre – au Canada comme en France, un groupe de discussion négocie pour une majorité de bibliothèques universitaires, et je trouve que cela fonctionne bien.

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