Papa revu et corrigé. Non sans humour, Laurent Jullier s'interroge lui-même sur son projet : pourquoi s'intéresser encore, aujourd'hui, à Ernest Hemingway (1899-1961), ce « vieux macho » comme il dit, qui prôna, dans sa vie et dans son œuvre, des valeurs viriles, masculinistes, chasse, nature et tradition, adorait la corrida, la picole et risquer sa peau sur les théâtres de guerre (du moins pas loin) ? Tant de livres ont bâti sa légende, y compris en France.

Mais justement, Jullier, théoricien du cinéma et universitaire atypique, a choisi de décaper l'image de celui que l'on surnommait Papa, lequel détestait que l'on s'intéresse à sa biographie - ce « misérable petit tas de secrets » pour citer Malraux. Il montre que la personnalité de l'écrivain était bien plus complexe que cela. D'aucuns pensèrent même - comme son amie Gertrude Stein - que derrière cette masculinité surjouée se dissimulait une homosexualité plus ou moins refoulée. La thématique queer, en tout cas, est fort présente dans son œuvre, et Jullier analyse finement ses personnages, femmes et hommes, notamment dans Le jardin d'Éden, version expurgée ou complète. Aux États-Unis, les gender studies ne sont pas loin de l'avoir annexé.

Brillant et érudit, ce Hemingway propose, à la fin, un guide pratique amusant et révélateur, avec les adresses de Papa à Paris, ses livres préférés et même sa playlist : il aimait Mozart, Joséphine Baker… Pour les Beatles, il n'a pas eu le temps !