« L'idée au départ était de mettre le pied à l'étrier aux primo-romanciers, dans un secteur culturel où la solitude est grande par rapport à ce que j'ai connu dans le théâtre, le cinéma, la danse ou la musique se souvient, Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre (CNL). C'est un travail d'abord solitaire. Et il y a peu d'occasions de célébrer le livre de manière forte, en dehors des salons, festivals et foires. »
C’est donc pourquoi, pour la quatrième année consécutive, le CNL organisait jeudi 20 novembre son dîner des primo-romanciers. Réunissant les auteurs des premiers romans le plus plébiscités par les libraires qui ont participé au Palmarès de la rentrée littéraire de Livres Hebdo (en partenariat avec Xerfi). Accompagnés d’un parrain ou d’une marraine et de leur éditeur, six primo-romanciers et six primo-romancières étaient les invités d’un dîner à l’hôtel d’Avejan, siège du CNL, précédé d’un cocktail à la Librairie 7L. Créée par Karl Lagerfeld, dont c’était également le studio photo, cette dernière a été reprise depuis par la Maison Chanel.
« Sentiment d'intemporalité et d'ouverture sur le monde »
Les 12 auteurs et autrices ont été accueillis par Laurence Delamare, qui dirige la librairie et le narratif de la maison. Le cocktail s’est déroulé en présence de la ministre de la Culture Rachida Dati, qui dans son discours notait : « Pour moi la culture, c'est l'accès sans a priori, la découverte. Et je trouve que vous l'incarnez vraiment. Vous rajoutez une petite brique à ce sentiment d'intemporalité et surtout d'ouverture sur le monde, dans un monde qui est de plus en plus polarisé [vous incarnez la] lutte contre toute forme de radicalisation et d’obscurantisme pour ceux qui l'ont connu. »
Abel Quentin et François Gagey (Combustions, Albin Michel) – Vanessa Schneider et Gabrielle de Tournemire (Des enfants uniques, Flammarion).- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Dans l’assistance on remarquait également Charlotte Casiraghi, présente à plus d’un titre, puisque ambassadrice de la Maison Chanel, mais également cofondatrice des Rencontres philosophiques de Monaco et autrice de La Fêlure, un essai littéraire à paraître fin janvier chez Julliard. Mais aussi d’Anne-Florence Schmitt et Joseph Ghosn de Madame Figaro, qui donne chaque année un écho grand public à l'événement.
« Magique et un peu dingue »
« C’est un petit peu magique quand même de se retrouver là, de rencontrer tant de beau monde et les autres primo-romanciers. C'est même un peu dingue », constate Gabrielle de Tournemire, autrice Des enfants uniques (Flammarion) et parrainée par Vanessa Schneider, qui a sorti La peau dure durant cette même rentrée. Leur éditrice commune, Alix Penent, avoue : « Chaque année je rêve de voir mon primo-romancier de la rentrée ici. Ce n’est pas la première fois, mais je suis très contente. C’est une manière de fêter une rentrée réussie. C'est une occasion de se réjouir dans des lieux merveilleux, comme une petite fête de fin de sortie. »
Claudius Pan (Les grands vivants, La tribu) – Erik Orsenna et Arbon (Les derniers jours de Harry Yuan, Au Diable Vauvert).- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
François Gagey, auteur de Combustions, premier roman remarqué, ajoute : « C'est ma première rentrée. C’est plein de rencontres extrêmement enrichissantes et une bonne réception du livre. Être sélectionné par les libraires s’avère très important, ce sont eux qui portent le livre. » Son éditrice chez Albin Michel, Louise Danou, rappelle que « le premier roman, c'est le pari le plus fou et le plus enthousiasmant pour un éditeur. Et cette sélection par les libraires est un cadeau et une consécration ». Elle ajoute que « tout ce qui permet de mettre un livre en valeur, de le faire sortir du lot permet à l’auteur de penser au livre d'après, le fameux deuxième roman si difficile. Et de le faire dans la joie et une forme de sécurité. »
Fatou Diome et Thibault Daelman (L’Entroubli, Le Tripode)- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
« C'est un théâtre dans lequel j'apprends à naviguer »
Alors que Claudius Pan, sélectionné pour Les grands vivants et parrainé par Paul B. Preciado, note que ce genre de soirée « est un théâtre, comme tous les théâtres humains. Donc j'apprends à y naviguer. C’est loin de ma base mais je sais naviguer dans toutes sortes d’eaux, donc ça va. » sous le regard complice de Julia Pavlowitch, fondatrice des éditions La Tribu. « Je suis heureuse de voir mon auteur, parce que je ne le vois pas assez souvent. Et de voir des gens sympas que je ne vois pas assez souvent non plus. C'est très dur une rentrée littéraire. D’ailleurs si la rentrée littéraire ne pouvait être faite que de primo-romanciers, ça irait mieux. »
Catherine Cusset et Lucie-Anne Belgy (Il pleut sur la parade, Gallimard) – Juliet Drouar et Camille Corcéjoli (Transatlantique, La Contre Allée)- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Plus loin Juliet Drouar, parrain de Camille Corcéjoli (Transatlantique, La Contre Allée) explique : « On ne se connaissait pas, donc c'est une occasion de se rencontrer. De rencontrer sa manière d'écrire autant que la personne. On partage le fait d'être trans et rien que pour ça, ça me fait plaisir. » Camille Corcéjoli ajoutant : « J'ai vraiment adoré l'écriture de Juliet, j'ai plongé dedans, son roman [Cui-cui, Seuil NDR] m'a vraiment touché. J'ai beaucoup cherché de littérature queer pour me projeter. Il y en a très peu, même s’il y en a de plus en plus. Et ça me faisait particulièrement plaisir de pouvoir aussi partager avec un auteur trans ce moment-là. » Alors que son éditeur à La Contre Allée, Benoît Verhille, ajoute : « On n'est pas dans l'entre-soi, j'ai des camarades ici qui ne sont pas les plus grands éditeurs de la place. On est là parce que les libraires l'ont choisi. C'est ce qui fait la différence entre cette soirée et les remises de prix. »
« Qu'il soit singe ou qu'il fasse un livre : la pire espèce, c'est l'auteur » (Jean de La Fontaine)
Plus tard dans le jardin du CNL, Séverine Cressan, autrice du très remarqué Nourrices, s’excuse presque de « faire une réponse assez consensuelle. C'est une chance de pouvoir dîner avec un auteur qu'on admire [Valentine Goby dans son cas]. Et c'est aussi une chance de rencontrer les auteurs qui sont admirés par d'autres. Donc c'est merveilleux ».
Séverine Cressan (Nourrice, Dalva) et Valentina Goby – Christian Duverger (Mémoires de Cortés, Fayard) et Éric-Emmanuel Schmitt.- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
De retour à notre table pour déguster le succulent repas concocté par la cheffe étoilée Manon Fleury, on interroge l’ancien éditeur et aujourd’hui auteur Arbon (Les derniers jours de Harry Yuan, Au diable Vauvert). Il s’amuse d’être primo-romancier à plus de 70 ans. « Ça m'amuse beaucoup de revenir dans ce milieu par l'autre bord. La Fontaine disait “Qu'il soit singe ou qu'il fasse un livre : la pire espèce, c'est l'auteur.” Je suis venu voir d'un peu plus près, et ce n'est pas si mal. Mais je n'ai pas d'enjeu, je ne cherche pas à démarrer une carrière littéraire. Je cherche juste à passer un bon moment et à me faire plaisir. »
Marie Semelin (Les certitudes, JC Lattès) et Rebecca Lighieri - Louise Rose (Les projectiles, P.O.L) et Frédéric Forte.- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Marion Mazauric, qui dirige le diable Vauvert, ajoute : « Ce dîner c'est l’occasion de rencontrer des confrères éditeurs que je ne vois pas tous les jours. Des auteurs aussi, comme Paul B. Preciado, que j’ai publié il y a quinze ans. C'est un bon endroit de réseau et c'est la base du métier. C'est un peu Happy Few, c'est vrai. Mais c’est bien de voir, comme l’année passée, un auteur québécois tel Sébastien Dulude découvrir les ors de la République française et la qualité de la cuisine française. Et puis c’est un plaisir de s'asseoir à côté d'Erik Orsenna et de l'écouter. »
Dîner des primo-romanciers 2025- Photo DENIS ALLARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
L’académicien confiant par exemple : « Mes parents et mes grands-parents me racontaient plein d'histoires, mais à l'âge de 8 ans, ils m'ont dit : “On n'a plus d'histoires”. Alors j’ai commencé à en écrire. Et le même été, ils m’ont offert un tout petit bateau à (voile ?). Et là je me suis rendu compte qu’écrire et naviguer, c'était pareil. Sur la mer comme sur la page blanche, tu n'as pas de route, tu dois l'inventer, tu dois négocier, tu dois faire preuve à la fois d'humilité et de ruse. »







