Le contrat d’édition est non seulement essentiel en droit, mais il possède également une charge symbolique qui l’érige en pacte entre l’auteur et l’éditeur. À deux reprises, en juin dernier, j’en ai fait le constat, hors des prétoires. Le 16 juin, la BNF organisait une journée d’étude sur les rapports auteur/éditeur à l’occasion du centenaire de la NRF. Sous la houlette (et le contrôle en sa qualité d’historien de l’édition) a priori approbatrice de Jean-Yves Mollier, j’ai rappelé les discussions puis déchirements entre les écrivains et ceux qui les publient. Deux jours plus tard, j’arrivais à Antananarivo pour dispenser une formation d’une semaine sur la rédaction des contrats d‘édition organisée par la jeune et dynamique Association des éditeurs de Madagascar avec le concours de l’Unesco. Deux hémisphères, deux cultures, deux environnements économiques et culturels, et un même constat : le contrat est une pièce maîtresse dans le couple auteur/éditeur. C’est un véritable contrat de mariage, comprenant un passage devant le maire en guise de pierre d’angle juridique mais aussi une multitude d’apparats non obligatoires et cependant utiles pour cimenter l’union (gâteau, robe, discours et autres   riz). Car le contrat d’édition possède un statut très particulier au sein des contrats relatifs au droit d’auteur que l’éditeur est amené à négocier fréquemment. Le législateur, dans un souci de protection des auteurs, s’est en effet attaché à limiter la liberté contractuelle des éditeurs et à entourer la conclusion d’un contrat d’édition de nombreuses conditions. Il en résulte aujourd’hui que le contrat d’édition suit un régime très dérogatoire du droit commun des contrats, régime que l’éditeur doit veiller scrupuleusement à respecter au risque de perdre le bénéfice de la signature d’un auteur. « Le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion. » Cette définition est importante : elle permet de savoir précisément à quels contrats le régime du contrat d’édition s’applique. Comme il s’agit d’un acte particulièrement contraignant, certains éditeurs ont la tentation de s’en octroyer les bénéfices sans les inconvénients. Pour ce faire, ils signent avec leurs auteurs des contrats d’édition qui n’en portent pas le nom. Un juge est alors en droit de les annuler aux torts de l’éditeur s’ils ne répondent pas aux exigences légales… d’un contrat d’édition. La définition légale permet également de distinguer le contrat d’édition des contrats voisins qui jouissent d’une plus grande liberté de rédaction. Le contrat d’édition se distingue notamment du simple contrat de cession du droit de reproduction, par lequel le cessionnaire ne s’engage pas à publier et à diffuser. La loi évoque encore, en Europe comme sur la Grande Île, le contrat à compte d’auteur et le contrat de compte à demi, que deux articles distinguent expressément du contrat d’édition. D’où le consentement personnel et écrit de l’auteur. D’où des mentions impératives (tirage minimal, rémunération, etc). Reste en sus une foule de clauses que tous utilisent par habitude, mais qui ont surtout des vertus psycho-pédagogiques, tel que le rappel des garanties apportées par l’auteur (ne pas contrefaire, ne pas diffamer, etc.). Sans compter les dispositions qui doublonnent ce que la loi prévoit et prennent soudainement des allures de concession : «  Le nom de l’auteur sera mentionné sur les exemplaires de son œuvre » ! Enfin, le contrat est fleuri par des clauses lui donnant un air de sérieux : tribunal compétent, etc. En réalité, à Paris ou Tana, le contrat d’édition engage l’une et l’autre partie, dans une approche bien plus déterminante que le juridisme dont il est empreint. Sans contrat, l’auteur ne se sent guère rassuré. Sans contrat, son éditeur prend le risque de voir un mercenaire de l’écriture le quitter à tout moment. L’union libre n’est pas prête de gagner le milieu du livre.  
15.10 2013

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