Comme Sempé, Ronan Badel dessine des "petits personnages dans des grands espaces" ! Le natif d'Auray ne savait pas ce qu'il voulait faire dans la vie. Il a commencé à étudier le droit à Nantes, avant de se former aux Arts décoratifs de Strasbourg. "Tu sors de là, tu sais dessiner", affirme celui dont les camarades de promo s'appelaient Mathieu Sapin et Marjane Satrapi.

Dernier de six frères et soeurs, le jeune Ronan dit avoir eu une "enfance de fils unique" très protégée. L'univers d'un gamin "sage et studieux", dont le niveau scolaire "a baissé régulièrement", s'est forgé dans le jardin de la maison familiale. Il ne dévorait pas de comics mais de la BD franco-belge : Astérix, Franquin, les petits formats de Pif que son grand-père lui offrait quand il était malade. Jusqu'au choc constitué par Le spectre aux balles d'or et la découverte de Blueberry.

Sa première bande dessinée, il la griffonne à 7 ou 8 ans. "Ce n'était pas un chef-d'oeuvre : un squelette volait une 2 CV et faisait n'importe quoi au volant !" Puis il est vite devenu "le copain qui dessine les profs en cours ".

Après son diplôme remis par Bruno Heitz, il décroche un stage aux éditions Cornélius sans avoir "aucune idée d'à quoi ressemblait la BD indépendante". Dans un bureau jouxtant celui de Charles Berberian, il scanne des dessins de Nicolas de Crécy. A l'époque, Ronan Badel a toujours avec lui une valise contenant ses maquettes, prêt "à les montrer dans la rue". Brigitte Morel, au Seuil, lui fait confiance. Le résultat donne Bob en 2000 : treize doubles pages avec un texte d'Emmanuelle Robert.

Pour payer son loyer, il distribue des plateaux-repas à la Défense ou décharge des meubles dans des bureaux en préfabriqué la journée, dessine le soir. Heureusement, les commandes se multiplient chez Nathan, Flammarion, Autrement Jeunesse où Le rêve du pêcheur, son premier livre d'auteur "sans texte", paraît en 2006. Toujours chez Autrement, dans la collection "Français d'ailleurs", il entame alors avec Chaïma et les souvenirs d'Hassan une belle collaboration avec Valentine Goby - avec laquelle il planche actuellement sur un volume autour des Roms.

Grand déambulateur. Influencé par sa lecture de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis, il signe la même année chez Lito le premier des quatre tomes de Petit Sapiens. Une "bande dessinée assez autobiographique", où la préhistoire est surtout un prétexte pour parler de la famille et de l'adolescence. Depuis, le gaillard n'a pas chômé. Citons 3 600 secondes chez Autrement, Le petit livre des 100 premières fois avec Stéphane Daniel chez Sarbacane, Le livre abominable avec Noé Carlain, également chez Sarbacane, Billy le môme avec Françoise de Guibert chez Thierry Magnier et Docteur Biskuit à L'Elan vert.

Quand il intervient dans les écoles, Ronan Badel explique qu'il est "auteur". Parce qu'un "illustrateur n'est pas un décorateur". Qu'il n'a jamais illustré un texte qui ne lui plaisait pas, qu'il s'approprie ceux qu'on lui confie, et écrit lui aussi. Toujours sur quatre ou cinq projets à la fois, toujours avide de trouver "d'autres pistes graphiques", de passer du bichromé au cerné ou à la peinture, il n'a ni agent ni site Internet. Le fringant quadragénaire travaille entre son appartement et un atelier qu'il partage avec une graphiste et une architecte. De 9 heures à 16 heures d'affilée, sans pause-déjeuner. Ce "grand déambulateur" a ensuite besoin de se poser au bistrot avec une cigarette et une bière.

Le voici en librairie, avec la réédition en "Folio cadet" de Cucul la praline s'envole, avec Fanny Joly, et surtout, chez Gallimard Jeunesse-Giboulées, les deux premiers volumes d'une série réalisée à quatre mains avec Vincent Cuvellier : Emile veut une chauve-souris et Emile est invisible mettent en scène un "petit bonhomme, cadré plein pied, sans doudou mais avec des lubies". On le retrouvera en octobre dans d'autres aventures, tandis que sortira chez Albin Michel Jeunesse, sous la férule de Béatrice Vincent, Les aventures agricoles d'Harry l'agriculteur. Un ouvrage qui lui tient à coeur avec un texte de Christophe Nicolas qu'il aurait aimé écrire. Pas tenté par l'autoédition, Ronan Badel n'a qu'une envie : "Continuer à faire des livres, écrire des histoires, penser au livre d'après. Et basta !"

Cucul la praline s'envole, Fanny Joly et Ronan Badel, "Folio cadet", Gallimard Jeunesse, 112 pages, 5,90 euros, ISBN : 978-2-07-064585-5, mise en vente le 7 mai.

Emile veut une chauve-souris et Emile est invisible, Ronan Badel et Vincent Cuvellier, Gallimard Jeunesse-Giboulées, 32 pages, 6 euros chacun, ISBN : 978-2-07-064425-4 et 978-2-07-064424-7, mise en vente le 20 avril.

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