Dans l’Allemagne nazie, le langage cachait ce qu’il voulait dire. Derrière le programme "Aktion T4" il y avait une adresse avec un bureau au numéro 4 de la Tiergartenstrasse à Berlin. C’est ce service qui pilota les meurtres par euthanasie entre 1939 et 1945. Environ 200 000 personnes furent assassinées sur ordre de l’Etat parce qu’elles ne correspondaient pas aux critères sanitaires du IIIe Reich. Pour toute justification, on les disait "anormaux".
L’historien Götz Aly a suscité la polémique en 2002 avec Comment Hitler a acheté les Allemands (Flammarion, 2005), dans lequel il expliquait que le peuple allemand avait autant profité de la guerre que les entrepreneurs grâce à la spoliation et à l’industrie du massacre. Le pillage et l’extermination des Juifs pour préserver le confort matériel et limiter la hausse des impôts… Né en 1947, il a reçu en 2002 le prix littéraire Heinrich-Mann pour ses travaux sur les crimes nazis. Sa particularité, c’est qu’il emploie souvent le "je". Il explique qu’il s’est penché sur ces "meurtres par euthanasie" à la suite de l’encéphalite qui foudroya sa fille Karline. Il rapporte aussi que son père, employé des Jeunesses hitlériennes, visita un asile en 1938 et que le directeur lui expliqua que l’on devrait "faire quelque chose" pour abréger la souffrance des aliénés.
Interrompu en 1941 à la suite des protestations de l’évêque de Münster, Mgr von Galen, le programme "Aktion T4" a poursuivi son entreprise : recensement des bébés malformés, assassinat des handicapés, récupération des cerveaux pour des expériences inutiles, etc. Des psychiatres comme le professeur Paul Nitsche ont conduit cette médecine coupable au meurtre de masse avec ses camions puis ses chambres à gaz. Götz Aly ne se contente pas de dire ce que fut le programme "Aktion T4". Il cherche à comprendre. L’assentiment général à se débarrasser des anormaux aurait incité à faire de même avec les Juifs. Comme pour la Shoah, il y aurait eu un accord tacite entre le peuple allemand et son Führer.
Outre-Rhin les universitaires réagissent vivement aux thèses de ce trublion. Mais Götz Aly a le mérite de faire réfléchir et de redonner à ces malades une place dans les mémoires, des qualités que l’on retrouve dans cette étude qui fait froid dans le dos. L. L.
