L'enfant lézard est un petit garçon qui apprend jour après jour, entre le début des années 1960 et le milieu des années 1970, à vivre caché par ses parents italiens, exilés économiques dans « le pays d'accueil ». C'est la chronique d'une longue réclusion, au départ forcée puis volontaire, d'un enfermement contraint par une politique d'immigration, interdisant les rapprochements familiaux, qui assigne à résidence le corps et l'esprit d'un enfant. Cloîtré dans l'appartement que « le padrone » a mis à la disposition du père, ouvrier saisonnier venu de Ripa, au centre de la Botte, vendre ses bras sur les chantiers. « C'est l'an 1961 et leurs calculs commencent ici. Ils se donnent cinq ans pour gagner assez d'argent et rentrer à la maison ». Pour l'enfant, c'est l'apprentissage d'une vie de clandestinité. Pour lui, pas de contact avec les autres enfants, pas d'école, pas de foot. Seulement la solitude, l'existence secrète, les démons intérieurs à dompter, l'immobilité des heures. Passer inaperçu, ne pas alerter « la police des étrangers », tels sont les mots d'ordre, au risque que la famille ne soit expulsée.

Chétif, pâle, il apprend les règles de l'invisibilité. Il devient une créature furtive, capable de ramper sous les meubles, se glissant dans l'armoire de la chambre du fond, lorsque les parents reçoivent des visiteurs. Il se déplace sans bruit, connaît précisément le nombre de pas qu'il lui faut pour aller d'une pièce à l'autre, d'un meuble à l'autre. Puis le huis clos s'élargit un peu aux murs du petit immeuble qui abrite d'autres locataires, communauté disparate placée sous la vigilance zélée d'un couple de concierges, sourcilleux du règlement. Un immeuble-monde dont l'enfant finit par connaître les moindres recoins, les moindres palpitations.

Pendant les deux tiers du livre, le lecteur lui non plus ne quitte pas le périmètre de l'appartement, de l'immeuble, restant dans les limites du territoire de l'enfant. Pourtant la phrase sans emphase de Vincenzo Todisco n'oppresse pas mais épouse au contraire la souplesse des mouvements du garçon. Plus de quinze ans s'écoulent, qui s'écrivent dans un présent éternel. Ce présent perpétuel du récit : le seul temps du roman qui dit si bien le caractère immobilisé de la vie recluse.

Vincenzo Todisco
L'enfant lézard Traduit de l'allemand par Benjamin Pécoud
Zoé
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 19,50 euros ; 208 p.
ISBN: 9782889277544

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