Né au début du XVIe siècle, dans la ville nouvelle du Havre de Grâce, devenue Le Havre, Guillaume Le Testu a sans doute fait ses classes à Dieppe, centre maritime à la Renaissance. Le Normand y a appris à la fois son métier de capitaine et de "pillotte », comme il se présente lui-même, et l'art de la cartographie. Sa première aventure aurait été une expédition au Brésil, en 1550-1551. De retour en France, il s'attelle à sa Cosmographie universelle selon les navigateurs tant anciens que modernes, manuscrite et peinte à la main, tant les commentaires que les 56 cartes qui la composent.

L'ouvrage, dont l'exemplaire unique, reproduit pour la première fois aujourd'hui, est conservé dans les collections patrimoniales du ministère de la Défense, lui prendra quatre ans, et il le dédiera en 1556 à Gaspard de Coligny, amiral de France.

Le Testu y synthétise les connaissances géographiques et cartographiques de son temps, celui des grandes expéditions, mais il reprend aussi tout le corpus légendaire existant depuis la plus haute Antiquité. Quand il ne sait rien sur une contrée, soit il invente, soit il laisse un morceau de continent en blanc. Et il peuple ses cartes de créatures réelles ou imaginaires. Quant à l'homme, ses "barbares" sont montrés dans toute leur nudité, leur férocité.

En dédiant son livre à Coligny, Le Testu flattait également le roi Henri II, afin d'encourager leur maître commun dans sa politique d'expansion coloniale. Mais Henri II meurt en 1559, et ses fils auront d'autres préoccupations. Charles IX, en particulier, impliqué dans le massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, et dont l'amiral de Coligny fut l'une des victimes. Le Testu, lui, n'en eut même pas connaissance : il était mort en juillet 1572, au Panama, dans un affrontement contre les Espagnols au cours duquel son collègue et associé, le corsaire anglais Francis Drake, l'aurait abandonné. Cette barbarie-là, au moins, entre compatriotes "civilisés", lui aura été épargnée.

On s'émerveille devant sa Cosmographie, son chef-d'oeuvre et un peu son mausolée, même si Le Testu est aussi l'auteur d'un planisphère sur parchemin, réalisé en 1566.