9 mars > Roman France

Après un premier roman réussi, Georgia (Grasset, 2013), Julien Delmaire revient avec un deuxième totalement atypique, notamment par son écriture, lyrique, habitée. Certains chapitres s’apparentent à du slam - Delmaire est poète, dramaturge et performeur. Mais aussi par son sujet. Le romancier a choisi de s’inspirer librement de la vie de Benoît Labre (1748-1783), un vagabond de Dieu qui passa sa vie à pérégriner sur les routes, dans le plus total dénuement et la crasse, et finit à Rome, en odeur de sainteté. Canonisé en 1881, il est le patron des marginaux de tout poil et des… célibataires.

Comme le saint, le Benoît de Delmaire est né à Amettes, en Picardie, en 1990. Très tôt, il se fait remarquer par son inadaptation complète à la vie "normale". Il parle à la Vierge, et on l’envoie chez un psy ! A 12 ans, il a déjà lu plusieurs fois les Evangiles, surtout celui de Luc, son préféré, et il écoute aussi Nirvana. Fils d’une famille nombreuse et modeste - père ouvrier communiste et syndicaliste, emporté par un cancer, mère couturière à domicile -, à l’école il ne brille pas par ses résultats, mais parce qu’il joue les bons samaritains, protégeant les faibles contre les brutes. Adolescent inadapté, dit-on, on l’inscrit à "l’école de la dernière chance", puis il travaille un temps avec son père, à l’usine. Mais lorsque celui-ci meurt, la mère se met à boire et en ménage avec un voyou. Alors, Benoît s’en va, et entame une longue errance à travers la France, jusqu’à Cassis où il mourra. Avec une escale à Paris où, mendiant exploité par un Berbère, un ancien légionnaire camé qui succombera d’une overdose, il semble s’intégrer. De même, en Ardèche, quand il s’occupe des brebis de Gilles, un éleveur baba cool. Mais à chaque fois, l’appel de Dieu est le plus fort, Benoît reprend sa route, avec son lot de violences, de faim, de misère.

Même si le lecteur se perd parfois dans les pas de ce clochard céleste, le Benoît de Julien Delmaire est un personnage attachant, et ses problématiques résolument actuelles. J.-C. P.

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