18 septembre > Roman France

Donc, ils sont de retour. Bouvard et Pécuchet. Les idiots magnifiques de la littérature française, désolants et exténuants gugusses avec leur prétention à tout éprouver, tout étreindre, tout essayer, et finalement tout rater. Cent ans après leur apparition sur les côtes normandes aux bons soins de l’ami Gustave, Frédéric Berthet les ramenait à nous pour une traversée des apparences des années 1980. Qu’ils montent une radio libre, s’essaient à la finance ou à la politique, apprennent à conduire ou entreprennent de séduire Sharon Stone, ou même qu’ils se lancent dans la littérature ("la littérature était le plus facile, n’exigeait pas de connaissances particulières, aucun entraînement astreignant, au contraire du tennis ou du clavecin"). Une seule chose est sûre : leur échec.

Le livre, le dernier que publia Berthet de son vivant, fut édité au Rocher en 1996 et demeurait depuis aussi épuisé que ses héros après leurs vaines entreprises. Pour inaugurer sa collection "Remake", qui se poursuit avec des incursions de Nicole Caligaris du côté de chez Jarry et de Bertrand Leclair chez Balzac, les éditions Belfond ont eu l’idée de le rééditer. Cela permet que revienne, avec les deux énergumènes, sur le devant d’une scène que son talent immense aurait dû lui promettre de ne jamais quitter, Frédéric Berthet que des romanciers aussi divers que Jean Echenoz, Philippe Sollers ou Michel Déon considéraient comme le meilleur de sa génération. D’ailleurs, à bien le lire, Bouvard (ou Pécuchet, qu’importe), c’est lui. Ces élans qui retombent dans la morosité, cet aquoibonisme de circonstance, cette difficulté à vivre et à avoir l’usage de la société, sont l’apanage des idiots, des solitaires et des écrivains. Il n’est pas trop tard pour leur tenir compagnie. Olivier Mony

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