Alors que le Parlement doit légiférer sur le prix unique du livre numérique, un petit tour d’horizon des récentes décisions en matière d’application de la loi Lang au livre… papier s’impose, près de trente ans après son entrée en vigueur. C’est ainsi que, le 28 janvier 2010, la Cour de cassation a estimé que la loi du 10 août 1981 est d’interprétation stricte, puisqu’elle déroge au principe de liberté des prix. En conséquence de quoi les hauts magistrats ont considéré que les partitions musicales n’étaient pas visées par les mécanismes propres au prix unique. Les juges ont balayé les arguments du Syndicat de la librairie française : la loi en tant que telle ne comporte pas de définition du livre et n’inclut pas expressément les partitions. Mais surtout, la Cour de cassation a rappelé que « les vendeurs de partitions musicales ne subissent pas la concurrence de la grande distribution » . Le 25 mai suivant, le Comité de réflexion pour l’avenir du livre (Coral) a été jugé irrecevable à agir par le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la loi Lang. Son article 8 dispose en effet que « les actions en cessation ou réparation peuvent être engagées notamment par tout concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicats professionnels de l’édition ou de la diffusion ainsi que par l’auteur ou toute organisation de défense des auteurs » . Le fameux Comité s’en prenait à une société organisatrice de stages de formation qui offrait souvent à chaque participant un livre écrit par l’intervenant, en lien avec la formation délivrée. Et plusieurs plaquettes publicitaires annonçaient que le prix proposé incluait la remise d’un livre. Or, sans débattre du fond du dossier, la juridiction a rejeté la demande en relevant que celle-ci émanait d’une simple association, ni syndicat, ni même reconnue d’utilité publique ; alors que le même Coral avait précédemment obtenu, en septembre 2008, la condamnation du groupe Eyrolles pour infraction à la loi Lang… Terminons ce rapide état des lieux par une dernière décision relative encore au Coral, rendue par le tribunal de grande instance de Paris, le 3 novembre 2009. Ledit Comité avait été cette fois-ci habilité à saisir la justice : l’article 8 de la loi Lang comportant le terme « notamment », cela signifie que la liste des entités susceptibles de monter au créneau n’est pas fermée par celle esquissée par le texte. En l’occurrence, le tribunal a retenu que l’objet de l’association vise bel et bien la défense de divers professionnels du livre en rapport avec la loi du 10 août 1981. De plus, le conseil d’administration est composé en particulier de deux éditeurs et de trois libraires. En outre, Philo éditions, en l’occurrence cible du Coral, proposait à tarif réduit un abonnement de six mois à Philosophie magazine agrémenté d’un Livre de poche. Or, l’éditeur de la revue arguait que son offre promotionnelle portait sur l’abonnement et non sur les livres. Les juges ont refait les calculs et ont conclu que   « ce n’est pas uniquement sur le prix de l’abonnement au magazine que porte l’offre promotionnelle, et qu’en réalité les deux ouvrages susvisés étaient offerts gratuitement, contrairement aux dispositions de la loi du 10 août 1981 » . On l’aura compris : après trois décennies d’application, la loi Lang continue de susciter des décisions de justice contrastées. En clair, la future loi sur le prix unique du livre numérique a tout intérêt à être votée dans une rédaction n’appelant aucune ambiguïté.
15.10 2013

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