JUSTICE

L'éditeur de Golgotha Picnic relaxé face aux intégristes

Golgotha Picnic de Rodrigo Garcia au théâtre du Rond-Point en 2011. - Photo théâtre du Rond-Point

L'éditeur de Golgotha Picnic relaxé face aux intégristes

L'AGRIF avait porté plainte contre Les Solitaires intempestifs, accusé de provocation à la haine contre les chrétiens pour avoir publié une pièce de théâtre controversée sur la vie du Christ.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 11.12.2015 à 18h23 ,
Mis à jour le 11.12.2015 à 22h44

"Il n'est nullement démontré que les propos incriminés soient de nature à susciter un sentiment de rejet visant précisément et spécifiquement les chrétiens" estime le juge de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, dans sa décision rendue le 10 décembre à propos d'une plainte de l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF). La procédure visait Pascale Vurpillot, responsable des éditions Les Solitaires intempestifs, qui ont publié la pièce Golgotha Picnic de Rodrigo Garcia, et Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point où elle avait été jouée du 8 au 17 décembre 2011. Ils étalent accusés d'incitation à la haine et au rejet des catholiques. Tous deux ont été relaxés.
 
Me Jérôme Triomphe, avocat de l'Agrif, a immédiatement annoncé que son client faisait appel et poursuivait la procédure au civil. "C'est une affaire de principe, il y a des gens qui croient qu'on peut monter des spectacles, écrire des livres systématiquement contre les chrétiens" a-t-il expliqué. Sa plainte visait plus d'une vingtaine de passages. Au civil, la défense pourra cette fois plaider la procédure abusive, et demander des dommages-intérêts en conséquence, prévoit Me Brigitte Richard, avocate de l'éditrice et du directeur du théâtre.
 
L'AGRIF avait demandé l'interdiction de la pièce, sans succès. Les représentations en avaient été perturbées par des catholiques intégristes, entrés par effraction dans le théâtre pour y projeter des excréments, selon les descriptions de Jean-Michel Ribes à l'audience. Il a revendiqué le droit de programmer des auteurs  "dérangeants" soulignant que le "texte était plutôt humoristique et satirique".
 
Le procureur avait requis la relaxe, rappelant qu'il s'agissait d'une œuvre de fiction, "non soumise à des limitations d'ordre esthétique, moral ou religieux" et que les propos "ne visaient à l'évidence pas les chrétiens".
 
Le blasphème n'existe pas

Le juge a rappelé les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la liberté d'opinions et de communication de celles-ci, et mentionné que le droit français ne réprime pas le blasphème ("parole ou discours outrageant la divinité ou la religion") mais uniquement les propos incitant à la violence ou la haine contre des personnes en raison de leur appartenance (ou non-appartenance) à une religion.
 
En raison de ces principes un auteur, un éditeur, un producteur ne sont nullement "tenus de se conformer à une quelconque morale, opinion, ou religion ou tout autre obligation qui ne relèverait pas des seules limites fixées par la loi" a-t-il souligné. Il a aussi mentionné ce que serait une provocation, "un acte positif d'incitation manifeste à la discrimination, à la haine ou à la violence, (...) contre une personne ou un groupe de personne".
 
Il a enfin analysé la véritable dimension de la pièce, dont le ton à l'évidence humoristique ou satirique, interdisait de prendre ses propos au "pied de la lettre et ne pouvant de ce fait inclure une quelconque animosité ou sentiment de rejet à l'égard de l'ensemble de ceux qui vénèrent le Christ".

L'un des passages visés par la plainte annonçait: "les évangiles ourdiront des milliers de mensonges, infantiles pour la plupart, destinés à ne pas accepter l'homme dans son imperfection. On appellera ça péché les actes les plus courants, les plus mondains, on nommera péché attitudes sociales répétées au long des siècles. Bref, on appellera péché la vérité".

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