Accessibilité

La Fédération des aveugles de France estime que 6% des livres sont adaptés à l'usage des aveugles et malvoyants. Un pourcentage assez faible qui regroupe les ouvrages en braille, audio, numériques, ainsi que le grand caractère. Peu d'études existent sur la proportion de livres en grands caractères au sein du marché français.

Le format de grand caractère englobe lui-même différentes définitions. Pour Laurette Uzan, responsable de la Médiathèque Valentin Haüy, on parle d'édition en grand caractère à partir d'une taille de police "seize". Mais cela dépend des pathologies : une personne avec des troubles visuels importants aura besoin d’une police plus importante, voire d’une "giant police", une offre très peu répandue en France. La police doit être "sans serif", c'est-à-dire sans empattement pour améliorer sa lisibilité. L'interlignage et le contraste seront importants. Il faut de même vérifier l’espacement des marges.

Il n’existe pas à ce jour de norme universelle pour l’édition en grand caractère. Mais, "les règles d'accessibilité en numérique sont généralement applicables à la version papier", avance Laurette Uzan. C’est le cas par exemple du 70% de contraste minimum pour qu’un texte soit lisible.

Une offre restreinte

Quelque soient les règles, il n'y a que peu d'ouvrages proposés en format grand caractère. Bien que ce marché ne cesse de se développer depuis quelques années. "Le public concerné est souvent âgé alors les éditeurs ont tendance à proposer du policier, quelques best-sellers et de la littérature de terroir", regrette Laurette Uzan.

Une initiative, qui date de 1985, continue de se développer pour référencer les catalogues de l'édition adaptée: celle de la Banque de données de l’édition adapté (BDEA). Depuis 1995, l'Institut Nationale des Jeunes Aveugles en a la charge sous la tutelle du ministère des Affaires sociales et de la santé. Son responsable distingue deux catalogues au sein de la BDEA : ceux des commerciaux (grand public) et ceux des associations.

Pour lui, ce sont ces dernières qui réalisent "un vrai travail d'adaptation", mais à petit tirage, en raison, entre autres, d'un réseau de distribution inexistant. Sur 671 400 références, on compte seulement 4100 références en papier contre 17600 pour le grand caractère numérique.

Vers une disparition du grand caractère papier ?

La médiathèque Valentin Haüy a arrêté depuis deux ans son offre de grand caractère papier, "les bibliothèques publiques ayant assez suffisamment repris l’offre". Elle propose désormais des livres adaptés en version audio et numérique, ainsi qu'un accompagnement. "C’est très violent quand on n'a jamais appris à lire autrement. Il y a une période de déni d’où l’accompagnement nécessaire", affirme la responsable. En général, ce public est atteint par la DMLA, une pathologie évolutive dû au vieillissement.

Le livre grand caractère papier est "extrêmement simple d'utilisation, il n'y a pas besoin de connexion internet, ou de savoir utiliser internet pour acheter des livres et pour le public très jeune et malvoyants, il n'est pas conseillé de leur donner un appareil électronique", énumère Laurette Uzan. Ainsi, "même si l'offre d'édition numérique accessible se développe, elle ne remplacera jamais totalement le papier", estime la bibliothécaire. 

Une alternative numérique qui se développe

Dès juin 2025, une directive européenne rendra obligatoire l’accessibilité de toutes les productions numériques. Le groupe "Normes et Standards" du Syndicat national de l'édition (SNE) avait déjà commencé à développer ce format depuis 2017. Pour l'instant, les associations de malvoyants parlent toujours d'un manque. Les raisons ? "Pour qu’il y ait une offre, il faut une technologie au point, que les éditeurs se l’approprient pour ensuite la restituer", suggère Louis Marle qui anime le groupe du SNE.

"Si on prend le cas d’un roman classique, le coût est négligeable", affirme ce dernier. Pour rendre un texte "nativement accessible", il est question de balisage. À l’aide de balise, on indique tout ce qui va être le fond du texte comme un titre, le début d’un paragraphe ou une citation. A la lecture finale, le lecteur ne voit pas les balises, elles permettent juste de structurer le texte. "Un titre pourra par exemple être centré, en corps 16 et avec une marge en bas et en haut", cite en exemple Louis Marle.

Toutes ces indications rentrent dans la "feuille de style" : l’éditeur dit à quoi il veut que son texte ressemble, les balises sont ensuite intégrées dans le format epub. Grâce au numérique, le public malvoyant peut par exemple avoir accès à toute la rentrée littéraire, chose impossible il y a quelques années encore. Toutefois, le grand caractère en papier pourrait bien, malgré tout, avoir de l'avenir, en témoigne l'ouverture prochaine de la librairie Les Grands Caractères à Paris. 

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