Ryô est un jeune provincial de 20 ans, "monté" à Tokyo pour y poursuivre ses études. En fait, il se montre peu assidu aux cours, plus dans le bistrot où il est barman. Dans sa vie, tout l’ennuie profondément. Depuis la mort de sa mère - mystérieuse, et dont on n’aura l’explication qu’à la fin du roman -, lorsqu’il avait 10 ans, il vit dans une espèce d’entre-deux, à mi-chemin du rêve et de la réalité. Comme amis, il n’a guère que Megumi, sa condisciple à la fac, mais qui brûle d’être un peu plus dans la vie du beau garçon, et Shinya, escort boy professionnel pour "femmes vieillissantes".
C’est grâce à lui que Ryô, d’abord par désœuvrement et curiosité autant que par intérêt - même si l’argent n’est pas son vrai moteur -, puis par amour, va découvrir le Club Passion et s’y voir proposer un travail un peu particulier, qui va le révéler à lui-même et auquel il va se vouer : call boy.
Le très sélect Club Passion est tenu par Madame Midoh, une ancienne prostituée recyclée en maquerelle, mais chic, qui recrute des garçons VIP dont elle loue les services à des femmes, de tous âges mais plutôt de condition sociale élevée, qui peuvent s’offrir pour 10 000 yens, le tarif de base pour une heure, un moment de bonheur, sexuel ou non, avec un jeune homme élégant, intelligent, délicat, attentionné, et bon amant. Tout le contraire de leurs maris !
Très vite, Ryô se révèle un sujet doué, puis exceptionnel. Hiromi, sa première cliente, Mariko la pisseuse, Itsuki l’intello, Madame Izumigawa et son mari pseudo-infirme, deux mythomanes, Namiko la violoniste, toutes le redemandent. "Tu ne laisses pas indifférent", lui dit sa patronne, pourtant avare de compliments. Il est vrai que, dès son "examen de passage", il a aussi séduit sa fille, Sakura, sourde et muette, laquelle a décidé d’aider sa mère dans son très lucratif business.
Ryô gagne des millions, mais ce n’est pas ça qui le motive. En fait, il se décorsète, et se découvre "fasciné par le désir féminin", quels que soient l’âge et le physique de sa partenaire. Il adore les femmes mûres et assume son statut de prostitué. Une seule fois il consentira même à se laisser aimer par son collègue Azuma, un masochiste plein de délicatesse. Son travail ne sera-t-il qu’un job d’été un peu spécial, ainsi que l’espère Megumi, laquelle va user de traîtrise pour ramener le garçon dans le "droit chemin", ou bien succombera-t-il définitivement aux supplications muettes de Sakura ?
On laissera au lecteur occidental, charmé par ce roman si japonais, froid en apparence, libertin et libertaire au final, sans aucune vulgarité, le soin de le découvrir. Ishida Ira, l’auteur célèbre d’Ikebukuro westgate park (polars, mangas, série télé), est l’un des écrivains nippons les plus enthousiasmants de sa génération. J.-C. P.

