25 février > Roman Canada

C’est une rencontre entre Facebook, Linkedin et l’eugénisme : pour la somme de deux cents dollars, la société InterAllia vous propose, après tests neurologiques et séquençage ADN, de vous orienter vers une "Affinité", un groupe dans lequel vous ne rencontrerez que des gens avec qui vous vous entendrez parfaitement. Adam Fisk, le narrateur du roman de R. C. Wilson, esseulé dans des études moroses et une famille républicaine, tente l’expérience ; il devient un "Tau" et découvre un groupe où l’amour, l’amitié, le travail deviennent simples comme bonjour. Logique : aucun malentendu n’est possible, et la coopération, qualité essentielle de l’espèce humaine, peut donc fonctionner pour servir l’intérêt de chaque membre. Bientôt, ce réseau social supplante les liens familiaux, rationalise les relations amoureuses d’Adam, enthousiaste et naïf. Car le problème, c’est qu’il y a plusieurs Affinités, dont les intérêts ne sont pas forcément les mêmes… La "téléodynamique sociale" atteint sa limite : d’électives, les vingt-deux affinités deviennent sélectives, et défont l’organisation humaine autant qu’elles la recréent. "Vingt-deux utopies de poche, chacune avec un droit d’entré?e. Vingt-deux édens, chacun clos d’un mur par-dessus lequel une foule d’exclus jaloux et hostiles regarde à? l’intérieur." La guerre n’est pas loin.

Comme à son habitude, c’est sous les apparences d’une narration modeste que Wilson réfléchit aux fondamentaux de la civilisation : laboratoire d’un contrat social à redéfinir, son roman nous plonge dans un univers à la fois rousseauiste et hobbesien, où les groupes doivent se construire une police, et où l’amitié finit par exiger des sacrifices inhumains. Réflexion sur l’animal social et sur le pouvoir des codes, Les affinités peut se lire comme un simple roman de genre - ou comme une mise en garde sur la force des liens 2.0. Fanny Taillandier

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