17 AOÛT - ROMAN France

Stéphane Guibourgé- Photo FRANSCECA MONTOVANI/STOCK

Ils ont vingt ans, "ils s'aiment pour le moment". Ils, c'est Anna Laurens et Vincent Hecquet, que nous découvrons en 1986. A Paris, où les étudiants grondent dans la rue et où les voltigeurs cognent mortellement. Anna étudie aux Beaux-Arts le jour et danse la nuit. Un matin, elle a croisé la route de Vincent. Un jeune fauve, un solitaire qui grimpe en haut des montagnes. Tous deux appartiennent à la génération "des refuges", une génération "de fêtes et de soirées, de Palace de Bains, dents de lait, râteliers".

Stéphane Guibourgé les suit au fil des années, jusqu'en 2010. Le lecteur les accompagne dans le Morvan, sur l'Altiplano bolivien ou à Tanger. Anna et Vincent vont souvent se séparer, mais jamais se quitter vraiment. Ils sont trop épris de liberté, rêvent d'ascèse chacun à leur manière. Anna se mettra à restaurer des fresques et des icônes, se donnera à d'autres hommes. Vincent, lui, se débarrassera de son ancienne identité en altitude avant de filer en Italie, de se faire appeler Andrea. Sans jamais pouvoir se fixer, faire la paix...

Depuis maintenant déjà deux décennies, depuis la parution de Saudade (La Table ronde, 1991) et de Citronnade (Le Dilettante, 1991), Stéphane Guibourgé écrit des romans lyriques et intenses. Des textes tendus et nerveux qui frappent à chaque fois par leur rare tenue stylistique. Pour son arrivée dans la collection "bleue" de Stock avec Le nom de son père, il se montre plus cru et poétique que jamais. Arrive sans cesse à faire cohabiter dans ses pages la violence et la beauté.

Difficile de ne pas être secoué par la trajectoire d'Anna qui, adolescente, voulait mettre "de l'irrémédiable dans sa vie". Par la folie et l'errance de Vincent, marqué à jamais par son père Mohktar. Un marocain arrivé en France en 1958 et devenu OS dans le Forez où il boxait afin d'arrondir ses fins de mois.

L'auteur du Train fantôme (Flammarion 2001, repris en Pocket) est un photographe et un voyageur. Un explorateur inlassable des fêlures. Ses amants terribles nous touchent droit au coeur avec leur incapacité à surmonter leur mélancolie, à échapper à leurs fantômes.

28.06 2016

Les dernières
actualités