Bibliothèques

Les BDP sont-elles indispensables ?

La bibliothèque départementale de prêt des Bouches-du-Rhône. - Photo V. Heurtematte

Les BDP sont-elles indispensables ?

Alors que les intercommunalités et les futures métropoles urbaines reconfigurent les territoires, les bibliothèques départementales de prêt doivent repenser leurs missions et réaffirmer leur rôle. Ce sont les préconisations du rapport de l’inspection générale des bibliothèques paru en novembre 2013 sous le titre significatif : Les bibliothèques départementales de prêt : indispensables autrement

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 17.01.2014 à 09h36 ,
Mis à jour le 21.01.2014 à 09h54

Les BDP ont-elles encore un avenir ? » C’est par cette question volontairement provocatrice que s’ouvre le rapport de l’inspection générale des bibliothèques intitulé Les bibliothèques départementales de prêt : indispensables autrement, publié en novembre dernier. Créées par l’Etat en 1945 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, transférées aux départements en 1986, les bibliothèques départementales de prêt ont depuis leur origine pour mission de contribuer à l’émergence sur le territoire (en particulier dans les zones rurales) d’un réseau de bibliothèques efficaces, d’animer ce réseau et de mettre leur expertise de la lecture publique au service des politiques départementales. Elles constituent l’une des deux compétences obligatoires des conseils généraux en matière culturelle, l’autre étant les archives départementales. Pourtant, souligne Jean-Luc Gautier-Gentès, l’inspecteur général des bibliothèques auteur du rapport, la part dévolue aux bibliothèques dans les politiques culturelles des départements est souvent très faible. Selon une récente étude de l’Assemblée des départements de France, ceux-ci consacrent en moyenne 2 % de leur budget à la culture, les bibliothèques se trouvant à l’avant-dernière place des 5 domaines culturels couverts. Un constat à nuancer par la forte disparité des situations : les dépenses pour 100 habitants consacrées à la lecture publique varient de 68 à 1 845 euros selon les départements, la moitié des conseils généraux se situant toutefois en dessous de la dépense moyenne de 335 euros. Autre ombre au tableau : plusieurs départements ne disposent toujours pas de plan de développement de la lecture publique, et dans le cas où ces plans existent, ils sont souvent anciens et n’ont pas été réactualisés.

 

 

Les BDP face à la nouvelle donne territoriale.

Au vu de ces éléments, une chose est sûre : les bibliothèques départementales doivent sans relâche convaincre les élus de l’importance de leur rôle. D’autant que plusieurs paramètres viennent actuellement ébranler leur position : avec la meilleure couverture du territoire en bibliothèques et, surtout, avec l’émergence des intercommunalités et bientôt des grandes métropoles urbaines, qui ont les unes comme les autres vocation à intervenir dans le champ de la lecture publique, les BDP sont-elles encore utiles ? Oui, répond sans ambiguïté le rapport, mais à condition qu’elles se positionnent clairement vis-à-vis de ces nouveaux acteurs locaux afin d’éviter les interventions redondantes ou, au contraire, qu’un territoire se trouve délaissé. A la condition expresse également de redéfinir entièrement leurs missions et de mener plus loin la tendance déjà à l’œuvre dans plusieurs établissements : réduire progressivement la fourniture de documents aux bibliothèques de leur réseau, renforcer les missions de conseil et de prestation de services, changer leur périmètre d’action pour collaborer avec l’ensemble des bibliothèques du département et plus seulement avec celles bénéficiant des aides du conseil général.


 

L’un des grands défis pour les bibliothèques départementales est aussi de changer leur image auprès des élus. Elles doivent être identifiées comme des réservoirs d’expertise en matière de lecture publique, mais également, de manière plus globale, comme des outils stratégiques pertinents au service des politiques départementales en matière d’éducation, d’action sociale, d’aménagement du territoire.

Toute la difficulté, pour les BDP engagées dans cette décisive phase de transition, est de « se tourner vers le futur sans lâcher complètement le passé », résume Jean-Luc Gautier-Gentès. Car les progrès accomplis, les mutations en cours, notamment dans le domaine des ressources numériques, ne doivent pas faire oublier que la France reste encore sous-équipée en bibliothèques efficaces. Selon les statistiques de l’observatoire de la lecture publique pour l’année 2010, 88 % de la population bénéficie d’une bibliothèque, mais dans 66 % des cas il s’agit d’un simple point lecture ou d’une bibliothèque de niveau 2 ou 3, c’est-à-dire de faible qualité. 34 % des bibliothèques et 79 % des points lecture n’ont pas d’accès Internet public. Les bibliothèques des réseaux des BDP fonctionnent avec 85,5 % de bénévoles, dont près de 66 % ne sont pas formés aux métiers des bibliothèques. Les missions historiques des BDP de soutien à la création de bibliothèques de qualité vont donc garder leur utilité encore un certain temps. Au final, les importants bouleversements du paysage dans lequel interviennent les BDP ne constituent pas pour ces dernières une menace, mais une opportunité de redéfinir leur rôle.

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