18 septembre > Histoire Grande-Bretagne

Avoir toutes les cartes en main. L’expression prend ici toute sa dimension. A partir de douze d’entre elles, Jerry Brotton raconte l’histoire du monde. En 2011, ce professeur à l’université Queen-Mary de Londres s’était fait remarquer avec un Bazar Renaissance (Les Liens qui libèrent) dans lequel il exposait les échanges stimulants entre l’Occident et l’Arabie.

Cette fois, il élargit son champ au monde, ou plutôt à la manière dont on le représente de Babylone à Internet. Car envisager l’aspect physique de la Terre, c’est aussi une manière de se l’approprier. On montre où l’on est pour rappeler aux autres qu’on fait partie de l’endroit. Ainsi, quand on utilise Google Earth, c’est autant pour savoir où l’on est que pour situer l’endroit où l’on va.

Jerry Brotton a travaillé vingt ans sur ce sujet. Il rappelle ici combien la carte est un miroir du pouvoir, une image qui expose mais dissimule aussi. Les traditions religieuses et culturelles ne font qu’ajouter à la complexité, mais la géographie, comme le disait Yves Lacoste dans les années 1970, ça sert d’abord à faire la guerre. Donc à imposer ses vues.

Ce livre est à la fois une histoire de la géographie depuis Ptolémée, un cours de cartographie et une machine à voyager. Les cartes sont les dépositaires de notre vision du monde et donc de nous-mêmes. On y décèle l’image « intérieure » du pays à un moment donné, comme dans cette reproduction chinoise du XVe siècle. Ces planisphères et portulans envisagent notre univers en le représentant en deux dimensions avec un système de projection dont l’idéologie n’est jamais absente. La carte n’est pas le territoire, elle le désigne. Celle de la France faite par Cassini a été nationalisée par la Convention en 1793. Jerry Brotton explique le poids politique d’un tel document où figurent une langue et un peuple. Celles du XVIe siècle ne sont pas moins « vraies » que l’accumulation d’informations engrangées par les applications de Google.

Voici une enquête à l’érudition joyeuse qui finit par poser des questions métaphysiques. Car que serions-nous sans les cartes ? Perdus ! Et que sommes-nous avec elles ? En train de chercher… L. L.

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