Après un travail de concertation de plus de six mois avec les éditeurs et les libraires, plusieurs grands diffuseurs annoncent pour ce début d'année 2012 de nouveaux dispositifs commerciaux avec la volonté affichée d'aider prioritairement les librairies indépendantes de qualité.
Premier à passer l'action, Flammarion a revu ses conditions générales de vente (CGV) et applique, depuis le 1er janvier, pour tous les éditeurs que la structure diffuse, une politique visant à améliorer à la fois les marges et la trésorerie des libraires. Concernant les marges, elle a mis en place un nouveau barème de chiffre d'affaires qui permet, avec une meilleure définition des critères qualitatifs, d'abaisser les paliers donnant accès à des remises supérieures. Et de manière plus large encore, elle a instauré une surremise permanente sur les fonds de plus de deux ans. Finalement, "aucun libraire satisfaisant aux critères qualitatifs ne devrait avoir une remise inférieure à 37 %", estime Pascale Buet, directrice commerciale, qui explique que ces nouvelles mesures seront assumées par la diffusion et la distribution. Parallèlement, pour améliorer les trésoreries, Flammarion a réduit de 60 à 30 jours ses crédits liés aux retours. Informés dans le courant de décembre de ces évolutions, les libraires saluent volontiers ces initiatives qu'ils qualifient de "première vraie avancée".
Après Gallimard qui, dès le début de novembre, a fait part, pour la diffusion des ouvrages paraissant sous sa marque, d'une nouvelle politique concernant à la fois ses remises minimales et sa rémunération du travail sur les collections de fond, la filiale de diffusion du groupe, le CDE, a elle aussi finalisé de nouvelles mesures commerciales qui s'appliqueront durant janvier. D'une part, pour toutes les librairies indépendantes réalisant plus de 50 % de leur chiffre d'affaires avec le livre, le diffuseur instaure une remise de base de 35 % impliquant l'ensemble des éditeurs diffusés puisque ce sont eux qui prendront à leur charge le surplus de remise qui devrait concerner quelque 450 points de vente, estime Mathias Echenay, directeur général du CDE. D'autre part, un dispositif plus pointu se met en place avec une vingtaine d'éditeurs, dont Les Arènes, Oliver Gallmeister, Liana Levi, les filiales éditoriales de Gallimard (Denoël, Mercure de France, P.O.L...), pour une cinquantaine de libraires sélectionnés sur la base de quatre critères essentiellement qualitatifs : animations, choix des ouvrages, qualité du fonds et évolution de l'activité par rapport au secteur.
UN DOUBLE VOLET
"C'est une sorte d'accord, explique Mathias Echenay, que passent les parties entre elles avec un double volet. D'une part, chacun s'engage à échanger davantage d'informations, d'analyses, de statistiques en vue d'améliorer les ventes et de baisser les retours. D'autre part, le CDE et les éditeurs qui le souhaitent s'engagent à octroyer des remises arrière pouvant représenter, pour les libraires, un supplément de près de 2 % en fin d'année." S'appuyant sur les représentants et leurs connaissances du terrain, les nouvelles mesures ont pour objectif "d'aider des libraires motivés et dynamiques, dont les remises sont actuellement comprises entre 37 % et 39 %, à améliorer encore les conditions d'exercice de leur métier".
Peu disert, Volumen annoncera également, durant la deuxième quinzaine de janvier, des mesures en cours de finalisation. "Avec les représentants et les directeurs des ventes, nous avons travaillé sur de nouvelles CGV pour 2012, déclare laconiquement Karima Gamgit, directrice de Volumen. Parallèlement, avec une vingtaine d'éditeurs, nous finalisons des accords de partenariat pour aider, plus particulièrement, une centaine de libraires de qualité. » La révision des CGV tendrait à augmenter les points liés au qualitatif ; de plus, les accords permettraient aux éditeurs d'accorder des surremises aux libraires sélectionnés.
CINQ DES SIX PLUS GRANDS DIFFUSEURS
>Avec Hachette qui a annoncé en mai des mesures pour les librairies labellisées Lir, dont la principale concerne le raccourcissement des crédits liés aux retours, cinq des six plus grands diffuseurs ont ainsi, à des degrés variables, fait écho à l'appel lancé par les libraires lors des Rencontres de Lyon en mai dernier. Dans ce contexte, les libraires s'étonnent du silence manifesté par Interforum, qui n'a pas souhaité faire connaître l'état de ses réflexions sur le sujet.
Du côté des plus petites structures, des mesures de soutien ont aussi été annoncées. C'est notamment le cas chez Harmonia Mundi qui entend d'abord gratifier les librairies maîtrisant leurs retours et les aider à développer leurs fonds grâce à des dépôts facturés à un an. Par ailleurs, dès fin mai, L'Ecole des loisirs a décidé de relever à 37 % sa remise de base à compter du 1er juillet. Enfin, Le Dilettante vient aussi de remonter de 1 à 2 points la remise de plus de 300 libraires (2).
Pour Laurent Beccaria, responsable des éditions des Arènes, qui à Lyon avait réclamé « 40 % de remise pour tous », toutes ces initiatives témoignent de l'enclenchement d'un "vrai mouvement de soutien à la librairie qui ne doit toutefois pas s'arrêter là !" D'ailleurs, au-delà des groupes évoqués, d'autres encore, comme MDS et Actes Sud, laissent entendre que de nouveaux dispositifs sont aussi en préparation de leur côté.
(1) Voir LH 884 du 4.11.2011 p. 14.
(2) Voir LH 888 du 2.12.2011 p. 48.