7 FÉVRIER - ROMAN États-Unis

Longtemps, Mary Gaitskill fut le secret le mieux gardé de sa génération. Alors que ses "camarades de promotion", Bret Easton Ellis, Jay McInerney, David Leavitt, Susan Minot ou Donna Tartt, s'imposaient plus ou moins rapidement sur le devant de la scène littéraire américaine, elle, après un inaugural recueil de nouvelles (Mauvaise conduite, Flammarion, 1988), demeura vingt ans durant portée disparue. On doit à Olivier Cohen et à la publication en 2008 de son grand roman Veronica - portrait d'une enfant déchue et de la promesse non tenue du monde - son retour lazaréen sur la scène littéraire. Comme elle semble s'être enfin convertie à une relative prolixité, il n'est pas interdit d'espérer que, désormais, Madame Gaitskill ne nous quitte plus.

En tout cas, la lecture de La faille, recueil de neuf nouvelles (composé, à la demande de son éditeur français, des meilleurs textes de deux recueils originaux), ne permettra pas à ses lecteurs les plus fervents de se déprendre de leur addiction. Il est généralement admis que les addictions, justement, la prostitution, les rapports sadomasochistes, constituent la trame même de son écriture. Ce serait sans doute tout à fait vrai si elle mettait à cela une quelconque complaisance. Un père découvre, consterné, que sa fille lesbienne se répand sur leur relation dans les pages d'un magazine de grande diffusion. La passagère exaltée d'un avion rappelle un peu à son voisin une fille qu'il a violée durant ses années étudiantes. Dans un train, au bar, des vétérans de différents conflits, de la Seconde Guerre mondiale à la guerre contre l'Irak, éprouvent douloureusement, chacun à leur façon, leur absence au monde. Une jeune femme psychotique ne trouve d'apaisement que dans la masturbation et le vote pour Ronald Reagan. La plupart ont 20 ans (les autres ont du mal à ne plus les avoir) et Mary Gaitskill ne laisse à penser à personne que ce puisse être le plus bel âge. Les aubes chez elle ne sont jamais glorieuses, toujours glaciales. Désenchantement d'hommes et le plus souvent de femmes, qui ne parviennent à faire ni le deuil de leur jeunesse ni tout à fait celui de l'hypothèse de la bonté, il y a là des échos du Fitzgerald de La fêlure.

Fêlure ou faille, il n'est question que de précipices, que de chutes.

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