30 mai > Histoire France > Audrey Kichelewski

Jan Tomasz Gross le dit dans sa préface. En Pologne, comme ailleurs, le passé n’est pas une contrée étrangère. Il en sait quelque chose. Pour avoir ravivé quelques mauvais souvenirs dans Les voisins (Fayard, 2002), La peur (Calmann-Lévy, 2010) et Moisson d’or (Calmann-Lévy, 2014), il a été accusé en 2016 d’antipatriotisme par le gouvernement polonais qui lui a retiré l’Ordre national du mérite.

Audrey Kichelewski (université de Strasbourg) reprend les contours de sa thèse de doctorat sur la place des juifs dans la société polonaise après la guerre pour l’étendre jusqu’à nos jours. Son livre est le premier à circonvenir de manière aussi précise l’histoire des juifs de Pologne après la Shoah. A l’aide de nombreux exemples, du pogrom de Kielce en 1946 à l’affaire du carmel d’Auschwitz, en passant par la réception du film Shoah de Claude Lanzmann au pays de Jean-Paul II, Audrey Kichelewski déroule le fil d’une relation complexe entre un pays et ses citoyens juifs, une ténébreuse affaire qu’elle clôt sur une série de portraits qui ont compté dans cette histoire. Dans un pays qui a vu s’accomplir sur son territoire l’extermination de 20% de sa population, la Shoah ne peut être niée. Mais durant la période communiste, elle fut réintégrée dans un récit national. Dans ce contexte, cette historienne souligne l’importance de la guerre des Six-Jours, de la venue de Jean-Paul II à Auschwitz, de la chute de l’URSS et de l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne. Cette dernière étape constitue la meilleure garantie pour les nouvelles générations. En plein débat révisionniste sur la place de l’histoire en Pologne, il faut lire Audrey Kichelewski pour comprendre les enjeux de la mémoire qui, au-delà du cas polonais, concerne la place que l’on accorde à l’examen du passé dans la vie démocratique. L. L.

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