20 octobre > Essai Inde > Arundhati Roy et John Cusack

Dans la religion indienne, l’avatar est la "descente" de Vishnou sur terre sous diverses incarnations. Dans les jeux vidéo, c’est la représentation informatique du joueur. Ces deux acceptions conviennent très bien pour décrire les métamorphoses successives et les masques multiples du capitalisme.

A la chute du mur de Berlin, d’aucuns avaient prédit la fin de l’Histoire. Démocratie égale capitalisme et inversement. C’était aller un peu vite en besogne car si le marxisme a quasi disparu, les effets délétères de l’économie de marché que dénonçait Marx n’ont jamais autant été d’actualité. Pour preuve : l’Inde où 80 % de la population vit avec cinq dollars américains par jour alors qu’un seul individu à Bombay possède une résidence "avec ses vingt-sept étages, ses trois plates-formes pour hélicoptères, ses neuf ascenseurs, ses jardins suspendus, ses salles de bal, ses stations météorologiques, ses salles de sport, ses six étages de parking et ses six cents domestiques".

Arundhati Roy s’érige contre l’ordre capitaliste à travers des essais sur la situation dans le sous-continent, réunis dans Capitalisme : une histoire de fantômes. Elle rappelle les faits face aux articles de la foi néolibérale selon lesquels il ne faut pas entraver le marché par d’étouffantes régulations et de "liberticides" politiques de redistribution. L’auteure du Dieu des petits riens oppose au supposé "Trickle-down", le "ruissellement" des richesses, à l’image d’une pyramide de flûtes de champagne dont le trop-plein au sommet profiterait à la base, la théorie du "Gush-up", l’"engouffrement" des ressources par une minorité de ploutocrates au détriment des classes populaire et moyenne : "dans cette nation de 1,2 milliard d’habitants les cent personnes les plus riches détiennent l’équivalent d’un quart du PIB". Déforestation, expropriation, collusion entre oligarques et politiques, chasses aux sorcières, arrestations, torture des séditieux taxés de maoïstes… le tableau de la démocratie qui se targue d’être la plus grande au monde n’est pas beau à voir.

Quant à la démocratie, encore faudrait-il savoir de quoi en parle. Dans un autre livre, Arundhati Roy raconte ses conversations avec Edward Snowden. Une incroyable embardée en compagnie de l’acteur et réalisateur John Cusack à la rencontre du lanceur d’alerte, ancien de la NSA, exilé à Moscou. Une réflexion sur la liberté à l’âge de la surveillance au titre révélateur : Que devons-nous aimer ?. Sean J. Rose

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