30 août > Littérature France > Christian Bobin

Chaque nouveau livre de Christian Bobin est à la fois semblable et différent, résolument inclassable. Tout comme son auteur. Cette fois, prenant toujours "le contrepied des tambours modernes", il célèbre l’écriture à la main - lui-même a calligraphié, un peu à la façon d’un Jean Dubuffet jadis, l’introït de son livre -, redoutant qu’elle disparaisse : "Alors c’est vrai que désormais on ne verra plus d’écriture manuscrite, plus de main humaine et qui danse, nulle part, c’est vrai ?" Surtout dans sa forme la plus menacée, à l’ère du tout Internet, la lettre. Bobin a donc adressé vingt lettres à des objets, à des fantômes, à des auteurs du passé, mais si présents pour lui - qui lit et relit sans cesse depuis son plus jeune âge, lorsqu’il était cet "enfant au pissenlit" songeur et émerveillé, déjà, par la vie, la nature, la forêt, les animaux - et au destin tragique : Marina Tsvetaïeva, Nerval et l’admirable Nadejda Mandelstam. Mais le fil rouge du recueil, c’est Eizô Yamamoto (1758-1831), plus connu sous son nom de moine bouddhiste zen, Ryôkan, disciple du grand Dogen, ermite, calligraphe, poète. Son haïku le plus connu est, après qu’on lui eut dérobé ses maigres possessions : "Le voleur parti/n’a oublié qu’une chose/la lune à la fenêtre." L’ermite du Creusot et celui d’Edo ont pas mal de points communs, ne serait-ce que cet humble "bol de mendicité", qui se voit lui aussi gratifié d’une lettre, et, par-delà les siècles, tant de choses à se dire. En silence, comme il se doit.

Comme dans toute l’œuvre de Christian Bobin, il est ici question de Dieu, dont l’écrivain ne sait "définitivement pas ce qu’[Il] est", et "[s’]en moque", de la mort des êtres chers et des autres, devenus fantômes. Cela invite à la méditation, mais sans tristesse, au contraire. Le texte s’achève sur le rire lumineux de Lydie, l’amie de cœur, et son "âme". Un mot que Bobin, l’homme au livre, affectionne particulièrement : "les livres sont des âmes, les librairies des points d’eau dans le désert du monde". Amen. J.-C. P.

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