11 septembre > Roman Royaume-Uni

John Major a beau avoir décrété l’avènement d’une "société sans classes", et Tony Blair avoir déclaré que "la guerre des classes est finie", d’après une récente étude la Grande-Bretagne demeure un pays où plus de 50 % de l’élite politique, administrative ou judiciaire provient du système des public schools, les écoles privées qui forment 7 % de la population. John King, lui, ne renonce pas à la lutte. Univers du ballon rond et des hooligans (The football factory, adapté au cinéma en 2004), phénomènes sociologiques tels le mouvement punk ou les Skinheads, titre de son précédent roman traduit au Diable vauvert en 2012, il ne cesse de dénoncer les structures hiérarchiques de la société britannique et de dépeindre les avatars de la culture ouvrière. Avec White trash il nous entraîne dans les couloirs de l’hôpital. De ce livre paru outre-Manche en 2002 - début du deuxième mandat de Tony Blair et poursuite de son cap social-libéral -, l’écrivain de la working class né en 1960 dit que c’est "une apologie du NHS", le National Health Service, la "Sécu" chérie des Anglais, la perle de l’Etat-providence mis en place après la Seconde Guerre mondiale.

Ruby est infirmière et fait ce qu’elle peut dans un service public à la diète. Levée aux aurores, petit-déj’ au café d’en bas de chez elle quand elle a le temps, le boulot, les collègues, les cancans… Sa routine pourrait être triste mais Ruby ne l’est pas, car c’est une fille qui regarde du bon côté de la vie, la vie qu’elle entend préserver coûte que coûte malgré la vieillesse ou la maladie, comme si, en faisant ce métier, elle voulait réécrire l’histoire de son vieux chien qu’on avait piqué lorsqu’elle était petite. Ruby aime ses malades : notamment Ron Dawes, un octogénaire ex-syndicaliste et ancien de la marine qui l’enchante avec ses souvenirs d’aventures autour du monde. Hors de l’hôpital, elle vit aux rythmes électro qui la font vibrer, adore les soirées arrosées entre copines, les kebabs du petit matin au sortir de la boîte de nuit. M. Jeffreys, c’est tout le contraire de Ruby, cet homme aux allures de gentleman, policé, flegmatique, débarque dans l’établissement pour réduire les effectifs et libérer les lits. Quand Ron meurt alors qu’il avait l’air d’aller mieux, Ruby pleure et trouve son supérieur bienveillant avant que ses soupçons ne s’éveillent… White trash, expression consacrée pour désigner "les petits Blancs" et qui signifie littéralement "ordure blanche", s’inscrit dans la tradition du naturalisme prolétarien anglais, avec ce brin de manichéisme que rachète toutefois une intrigue policière bien menée. S. J. R.

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