1er octobre > récit France

Didier Blonde est un déchiffreur d’énigmes. Un détective de la mémoire. Un insatiable traqueur de fantômes. Il l’a notamment prouvé avec Un amour sans paroles (Gallimard, "L’un et l’autre", 2009) et L’inconnue de la Seine (Gallimard, 2012). Son nouveau livre s’ouvre sur un touchant hommage à celui qui n’a hélas pas pu l’éditer, et qui en est le dédicataire. On s’en souvient, J.-B. Pontalis avait accueilli plusieurs volumes de Didier Blonde dans sa collection "hors cadre" aux couvertures bleu nuit. L’écrivain et éditeur avait "l’élégance de l’esprit et des manières", nous dit Blonde à qui il avait expliqué : "Ecrire, c’est se lancer dans une traversée sans boussole."

Tout est parti ici d’une photo "rectangulaire, que l’on remarque de loin". D’un visage aux yeux de braise. D’une icône. Un jour qu’il cherchait la tombe de Georges Perec après avoir relu W ou le souvenir d’enfance, Didier Blonde tombe en arrêt devant la case 5011 du columbarium du Père-Lachaise. Le voici alors fasciné par un portrait de femme qu’il a l’impression d’avoir déjà vu, des décennies plus tôt, dans l’appartement d’un ami.

En dessous du cliché, une seule inscription : Leïlah Mahi 1932. Qui donc est celle qui a été incinérée là ? Une énigme qui a déjà intrigué bon nombre de visiteurs du cimetière, comme le découvre Blonde qui a l’habitude de faire parler les morts. "Dans la douce mélancolie du noir et blanc, et du silence." Cette fois, l’affaire ne va pas être simple, loin de là. Et Leïlah Mahi ne va pas cesser de lui filer entre les doigts, tel le mercure.

La dame ressemblait à une actrice de cinéma avec son faux air de Garbo dans La chair et le diable, à une danseuse orientale avec son visage de Levantine. Or il se trouve qu’elle a été l’auteure de deux romans, En marge du bonheur (1929) et La prêtresse sans dieu (1931). A chaque fois l’héroïne est une même Claudia. Une garçonne, une fumeuse d’opium, "mondaine oisive tout occupée d’elle-même".

Chemin faisant, Didier Blonde rencontre une peintre qui a réalisé plusieurs portraits de Leïlah. Peintre qui lui explique qu’elle a envie de garder sa part de mystère, qu’elle préfère ne rien savoir, s’en tenir à ses rêves. Plus tard, un vieux spécialiste du cinéma lui affirme qu’elle se nommait en fait Daïnah Zirka. Qu’elle a été une pulpeuse comédienne à l’éphémère carrière avant de trouver la mort dans un accident de voiture.

Le lecteur colle aux basques de celui qui dit s’égarer dans le labyrinthe où il s’est enfermé et dont il ne trouve pas la sortie. Ce qui justement fait toute la force et le mystère d’un texte envoûtant. Un superbe Leïlah Mahi 1932 cherchant à lever le voile sur un bien fascinant "miroir à fantasmes". Al. F.

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