C’était en septembre. Je rentrais de vacances et je fus accueilli par mon directeur d’un : « Ah ! Te voilà » suivi de tellement de points de suspension que je ne peux tous les reproduire ici. Alain Genestar avait passé un mauvais mois de juillet. Je lui avais laissé une série d’extraits de livres, les meilleurs selon les collaborateurs de la Page Livre du JDD, pour les rubriques littéraires d’été en ces mois où les Français lisent beaucoup et où les éditeurs ne publient pas. L’un d’entre eux, à la fois éditeur et écrivain s’était étonné que son livre, dont nous avions dit du bien, ne figure pas dans notre sélection. Genestar avait discuté, argumenté, avant de se résoudre à ajouter une page à notre série d’été. Devant mes grognements, il m’avait confié : « Je lui ai dit que je n’avais que des problèmes avec votre page. » Et puis il a ajouté : « Cette page « Livres » je ferais mieux de l’appeler la page « Libre ». » Alain Genestar m’a confié cette rubrique il y a douze ans. Seule consigne : « ouvrir » cette page aux quatre vents (littérature étrangère, polar, BD, etc). Nous n’avons pas toujours été d’accord, il m’a laissé ma liberté, l’a défendu face aux colères des uns, aux menaces des autres. Aujourd’hui qu’il doit quitter Paris Match , je salue un homme de liberté et un ami. Ce matin Alain Rey faisait sa dernière chronique sur France Inter, « le mot de la fin » si bien nommé. La direction de France Inter se sépare de lui. Je n’ai pas toujours apprécié ses opinions traversant ses explications linguistiques. Non parce qu’elles différaient toujours des miennes mais parce qu’elles paraissaient inutilement pesantes. J’aimais le lexicologue, moins le militant. Mais je me sens déjà orphelin de ce dictionnaire vivant. Nous sommes déjà si peu nombreux à défendre les mots, nous sommes si peu nombreux à lire des journaux que chaque désertion, chaque fermeture de titre, chaque licenciement est une défaite pour tous. Rey et Genestar me manquent. Que dix, cent, mille Alain surgissent !
15.10 2013

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