3 mai > Roman Royaume-Uni > Elizabeth Day

Les soirées chez les Fitzmaurice sont toujours somptueuses, mais pour les 40 ans de Ben, ils n’ont pas lésiné: 350 invités, champagne à flots, musique jusqu’à l’aube… La fête, qui promet d’être grandiose, se passera non pas chez eux à Londres, dans leur maison de Notting Hill, le quartier tendance et chic, mais à Tipworth, dans leur home de l’Oxfordshire, une ancienne abbaye reconvertie en "maison de campagne". On attend le gratin des médias et de la politique, même le Premier ministre, s’il peut se libérer. Sur la guest list, Martin Gilmour, bien sûr, le critique d’art et auteur d’un best-seller traduit en 21 langues, le meilleur ami de Ben Fitzmaurice - Ben n’a pas pu loger Martin et son épouse Lucy; trop compliqué, explique Ben, avec les oncles et tantes, la parentèle nombreuse, mais il les convie quelques heures avant que ne débutent les festivités pour partager un moment plus intime. Martin, quoique froissé de devoir trouver un hôtel dans les environs, se rend sans barguigner à l’invitation du meilleur ami. Il en a toujours été ainsi depuis la pension où ils se sont rencontrés, adolescents. "Starsky et Hutch", les surnommait Lady Fitzmaurice, la mère de Ben. Ben et Martin sont inséparables, ou plutôt, Martin suit Ben, comme une "petite ombre", dit Serena, l’épouse du second. "PO", abréviation du désormais surnom, sont les initiales sous lesquelles il est enregistré dans le portable de Ben.

L’anniversaire ne se déroule pas exactement comme prévu. Elizabeth Day nous plonge dans le mystère dès les premières pages de son roman. Le protagoniste de L’invitation est au poste. Un événement extraordinaire est survenu à la fête, mais quoi? Interrogé par la police, Martin Gilmour raconte. Il est prudent, il sait que tout ce qu’il dit pourra être retenu contre lui, il parle et ment, il pense et ment également. Au fil des pages se dessine le double portrait de Martin et de Ben, un récit diachronique entrecoupé des souvenirs d’enfance de Martin et du journal de bord de sa femme, Lucy, dont on se rend compte qu’elle vient de faire une grave dépression. Construit comme un polar dans la veine d’une Patricia Highsmith, L’invitation est l’histoire d’une amitié doublée d’une trajectoire de Rastignac: d’un côté, le petit-bourgeois introverti, orphelin de père sous l’emprise d’une mère possessive, boursier de leur prestigieuse public school (école privée dans le système éducatif anglais) et, de l’autre, en miroir (celui déformant de la fascination), le bel aristocrate, sportif, sociable, populaire, toujours entouré. L’intrigue psychologique foisonnant de détails sociologiques, comme dans La ligne de beauté d’Alan Hollinghurst, est menée de main de maître et nous entraîne dans les eaux troubles de l’envie comme du désir. Sean J. Rose

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