En menant l’enquête sur l’accès des seniors dans les bibliothèques, l’inspecteur Yves Alix ne s’attendait pas à ce constat : les individus âgés de plus de 55 ans constituent l’une des tranches d’âge qui fréquentent le moins les bibliothèques, que ce soient des jeunes retraités actifs ou des personnes âgées moins autonomes. Dans un rapport très instructif (1), Yves Alix note que cette désaffection n’est pas vraiment perçue ni prise en compte par les bibliothécaires et les pouvoirs publics. A part les actions hors les murs organisées pour les personnes « empêchées », bien peu d’initiatives sont prises pour éviter les décrochages successifs : les 55-64 ans d’abord, les 65-74 ans ensuite et enfin les 75 ans et plus. La dernière édition des Pratiques culturelles des Français : enquête2008 montrait que la moyenne générale des inscrits était de 17 %, mais de 12 % seulement pour les plus de 55 ans. A titre d’exemple, la BDP de l’Aude pointe l’écart entre la part des plus de 60 ans dans la population du département (26 %) et leur fréquentation dans les bibliothèques (14 %) ; à Montreuil, en banlieue parisienne, 9 % des plus de 60 ans sont inscrits contre 17 % pour les 30-59 ans.
« Des études doivent être lancées, exhorte l’auteur de l’étude, pour essayer de comprendre les ressorts de ce qui apparaît comme doublement paradoxal puisque les seniors sont censés avoir du temps libre et que, par ailleurs, les améliorations de conditions de vie et de santé permettent aux personnes âgées d’aujourd’hui, au moins jusqu’à 70 ans, d’être beaucoup plus actives que leurs aînées. »
Pour l’auteur de l’enquête, les enjeux sont de taille : dans une génération, les plus de 60 ans représenteront 30 % de la population. « Si les quinquagénaires d’aujourd’hui, écrit-il, ne sont pas séduits par la forme d’accès à la lecture que proposent les bibliothèques, ils seront perdus pour elles dans les vingt ans qui viennent. »
Parmi les dix recommandations d’Yves Alix : l’élaboration d’un guide des actions et d’un vade-mecum des bonnes pratiques, l’organisation d’Assises nationales de la lecture des seniors, la labellisation des actions et l’aide au financement de ces actions, la création de bibliothèques publiques dans les maisons de retraite, la constitution d’un comité de suivi et d’évaluation ministériel…
Laurence Santantonios
(1) Les bibliothèques et l’accès des « seniors » et des personnes âgées à la lecture, rapport à la ministre de la culture Aurélie Filippetti, en ligne intégralement sur le site du ministère (www.enseignementsup-recherche.gouv.fr).
