Avant-portrait

Mâkhi Xenakis, mâkhisarde

Mâkhi Xenakis - Photo photo willem Schalekamp © Actes Sud

Mâkhi Xenakis, mâkhisarde

La fille du grand compositeur de musique contemporaine Iannis Xenakis est devenue plasticienne contre la volonté de ce "père bouleversant" auquel elle dédie un livre.

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Par Sean James Rose,
Créé le 20.02.2015 à 01h03 ,
Mis à jour le 23.02.2015 à 11h16

L’année où elle débarqua à New York fut celle de sa plus grave crise existentielle. Venue pour peindre outre-Atlantique, Mâkhi Xenakis détruit toutes ses toiles. En 1983, il y avait bien eu une première exposition à Paris, puis très vite une collaboration avec le metteur en scène Claude Régy pour ses décors et costumes. Mais là, nada ! c’est l’effondrement. Elle à qui son père avait offert un chevalet à l’âge de 11 ans, elle dont ce même père ne voulait pas qu’elle soit artiste mais mathématicienne, elle qui avait réussi à imposer son choix ne peut plus tenir un pinceau. Sa thérapie : "J’allais tous les jours au Metropolitan et copiais Velázquez et Rembrandt, je fréquentais aussi la sculpture grecque archaïque".

 

"Petites créatures"

Après un an d’imprégnation d’art ancien, Mâkhi se décide à renouer avec son époque en faisant un tour des galeries de SoHo. Elle tombe sur l’œuvre de Louise Bourgeois, dont elle ignorait tout ("Je pensais qu’elle avait mon âge"). Féminité, intimité, aliénation au sein du carcan familial, cet art est une révélation. Elle obtient ses coordonnées, lui écrit ; sans réponse de sa part, lui téléphone. La grande dame de l’art contemporain l’interroge assez sèchement, puis tout de go lui demande : "Que puis-je faire pour vous ?" Mâkhi lâche : "Sauver ma vie". S’ensuit une amitié par-delà l’océan après le retour de Mâkhi à Paris et jusqu’à la disparition de Louise Bourgeois, morte quasi centenaire en 2010. Et un livre, Louise Bourgeois : l’aveugle guidant l’aveugle (Actes Sud, 2008).

Si Mâkhi doit à la plasticienne franco-américaine de renaître à l’art, l’auteure des "petites créatures", sculptures féminines miniatures, doit à ses parents sa drôle de formation. Avant de s’être fait un prénom, Mâkhi est avant tout fille du grand compositeur contemporain grec, Iannis, et de son épouse, Françoise, écrivaine et critique. Elle dédie ici un ouvrage à ce "père bouleversant", Xenakis, inventeur de la musique "stochastique", au parcours hallucinant : éborgné pendant la guerre civile grecque en 1945, exilé politique condamné à mort par contumace, musicien radical mais aussi mathématicien, architecte - il eut avec Le Corbusier une collaboration à la fois fructueuse et houleuse -, père paradoxal - "petite fille, il me disait que je devais avoir beaucoup d’amants et surtout ne pas me marier ni avoir d’enfants car cela empêchait la création"… "J’ai désobéi sur toute la ligne : je suis restée avec le même homme et j’ai eu des enfants, et je suis artiste", sourit l’auteure de ce livre hommage, dont le prénom grec signifie "bataille".

Sean J. Rose

Mâkhi Xenakis
Iannis Xenakis : un père bouleversant
Actes Sud
Prix : 29 euros ; 232 p.
Sortie : 27 février
ISBN : 978-2-330-03969-1

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