Avant-critique Roman

Marc Dugain, "Tsunami" (Albin Michel)

Marc Dugain, auteur de Tsunami (Albin Michel) sera l'un des invités de l'émission Au bonheur des livres sur Public Sénat - Photo © Samuel Kirszenbaum

Marc Dugain, "Tsunami" (Albin Michel)

Avec Tsunami, récit du pouvoir et de ses chausse-trappes, Marc Dugain plonge moins au cœur de la machine élyséenne que dans la conscience tourmentée d'un homme.

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Par Olivier Mony
Créé le 30.03.2023 à 16h00

Le maître des illusions. Prenez un homme, prenez une époque, prenez un lieu, prenez le pouvoir ; et voilà, vous avez un roman. Vite dit, parfois trop vite écrit ? Sans doute, sauf lorsque la fabrication fait place à l'obsession, sauf lorsque le romancier se nomme Marc Dugain. C'est précisément ce programme narratif, allant jusqu'au vertige, qu'applique l'auteur de La malédiction d'Edgar (Gallimard, 2005) à son nouveau roman, Tsunami, le premier par ailleurs publié chez Albin Michel.

Prenons l'homme donc. Un type encore assez jeune pour la fonction. Il est président de la République, sans que cela constitue l'accomplissement d'un très ancien désir. Il avait fait des affaires, voici sa dernière. Pour se faire élire, il n'a eu qu'à s'attacher les grands patrons des industries numériques, les convaincre que leurs intérêts convergeaient et laisser faire les hasards qui de nos jours ne sont plus guère aléatoires. L'époque, un futur très proche, si proche qu'à la fin de la lecture de cette phrase, il pourrait déjà être le présent. Le lieu, ce palais des ombres et nef des fous de la rue du Faubourg-Saint-Honoré bien entendu, mais plus encore, plus périlleux, la France. La France qui grince, qui craque, qui s'exaspère, qui suspecte, cette France qui meurt peut-être mais n'entend pas faire de prisonniers. Et puis le pouvoir, enfin. Ce pouvoir qui n'est peut-être plus justement une finalité. Qui ne se pose plus en tout cas en tant que tel. Miroir aux alouettes. Mirage qui s'évanouit dès lors que l'on croit le toucher.

Ses lecteurs savent depuis sa magnifique trilogie L'emprise (Gallimard, 2014, 2015 et 2016) que Dugain, qui connaît bien l'univers de la politique, exerce à merveille ses sortilèges de romancier dans ce théâtre d'ombres, ce monde à part aux ambitions et vocations mêlées. Il y revient aujourd'hui sur un registre plus justement paranoïaque encore, plus noir que jamais. Il s'agit peut-être ici moins de politique-fiction que d'un conte moral repeint aux couleurs du deuil. Celles des espérances démocratiques, désormais à bout de souffle, malmenées par des vents contraires soufflés par des apprentis sorciers. Le cœur du livre est tout de même moins ce tableau grimaçant d'une époque que le portrait d'un homme qui a fini par égarer sa vérité première. Et ne sait que faire pour la retrouver dans le labyrinthe de sa conscience.

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