Marie-Annick Flambard-Guy, Amrop

Associée au sein du cabinet de chasseurs de têtes Amrop, Marie-Annick Flambard-Guy recrute depuis plus de vingt ans pour l'édition. Elle voit dans ce renouvellement des patrons de maison une bouffée d'air pour l'ensemble du milieu.

Quel regard portez-vous sur le mercato dans l'édition ?

Cela me fait penser à la situation de la presse il y a de nombreuses années, où les rédacteurs en chef de quotidiens et d'hebdomadaires, grand public ou professionnels, passaient d'un titre à l'autre sur un coup de fil du voisin d'en face ; ce qui stimulait la concurrence... et saluait les talents. Mais dopé par son succès, le système n'a pas relevé à temps sa garde technologique. Le mercato traditionnel s'est arrêté. Dans l'édition, en revanche, où la chasse aux talents en interne était moins féroce - ce sont les auteurs qui comptent - et ces mêmes talents moins sollicités (car plus fidèles ?), des changements ont eu lieu. Le mercato s'est maintenant installé. Il existe une nouvelle génération d'éditeurs, formée à l'étranger, polyvalente, sensible aux belles lettres comme au commerce, qui sait ce qu'elle veut et s'impose par ses succès. Ce jeu de chaises musicales est excellent pour l'édition, car il oblige à rester en alerte sur ce qui se passe ici et ailleurs. Cela enrichit tout le monde.

Le profil de patron recherché a-t-il changé ?

Les grandes figures historiques de l'édition avaient cette capacité à détecter et ramener les auteurs sur leur seul nom. Mais à l'époque, nous n'étions pas dans la même situation économique. Cela pèse dans les recrutements d'aujourd'hui. Idéalement, les nouveaux patrons se doivent d'être à la fois « gestionnaires » du business et des hommes, et garants « éditoriaux » de leur maison. Rares sont les patrons à parité d'excellence dans ces deux registres. L'important est d'identifier ce qui manque à l'un et à l'autre pour le renforcer dans ce qui lui fait défaut.

C'est pour cela que certaines maisons préfèrent miser sur des tandems ?

Je ne sais pas si « préférer » est le bon terme. C'est plus une question d'opportunité. Ce qui est essentiel dans le ménage à deux en tout cas, c'est que l'expertise de l'un soit complémentaire de celle de l'autre. Pour caricaturer, on aurait d'un côté un génie éditorial, qui renifle les bons auteurs, parcourt les foires et salons et en revient avec des trésors ; mais ce n'est pas lui qui décide du tirage, c'est l'autre. Il faut donc qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans les attentes réciproques des protagonistes car ils seront deux à faire en sorte qu'un livre, singulier, bien écrit, bien promu, bien distribué, soit aussi lu par le plus grand nombre. S'il n'est pas vendu, le plus beau livre du monde devient stérile.

L'éditeur de demain sera-t-il différent ?

S'il n'est pas particulièrement dynamique aujourd'hui, le livre numérique risque de se réveiller un jour. Nous entrerons peut-être dans un nouveau système de pensée, avec des éditeurs un peu plus geek dans l'avenir.

14.06 2019

Les dernières
actualités