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À Marseille, le Festival du livre indépendant et politique veut transformer l'essai

De gauche à droite, Pauline Guily (Agone), Noémie Brun (Editions sociales/La Dispute), Elsa Pradier (Amsterdam) et Iris Delhoum (Agone). - Photo FLIP

À Marseille, le Festival du livre indépendant et politique veut transformer l'essai

Les 17 et 18 mai s’est tenue à Marseille la première édition du Festival du livre indépendant et politique (FLIP). Créée à l’initiative des éditions Agone, Amsterdam et des Éditions sociales/La Dispute, la manifestation entend interroger l’indépendance éditoriale et mettre en valeur les structures alternatives. Une deuxième édition devrait voir le jour en 2026.

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Par Élodie Carreira
Créé le 23.05.2025 à 15h28

Noémie Brun, Iris Delhoum, Pauline Guily et Elsa Pradier officient toutes les quatre au sein des maisons d’édition indépendantes Sociales/La Dispute, Agone et Amsterdam. En 2024, en réponse au phénomène de concentration éditoriale et à la « monopolisation de l’espace médiatique par la droite et l’extrême droite », elles ont décidé de créer un festival d’un autre genre, décentré de la capitale, valorisant les structures indépendantes du livre et encourageant le débat d'idées.

Un an plus tard, le Festival du livre indépendant et politique (FLIP) voyait le jour le week-end du 17 au 18 mai sous le soleil de Marseille. Accueillie par la brasserie Communale et le centre d’art SOMA au Cours Julien, la manifestation a réuni une vingtaine d’éditeurs indépendants sur le thème de l’anti-impérialisme et compte bien, à l'avenir, se tailler une place au calendrier culturel.  

 

Livres Hebdo : Qu’est-ce qui vous a inspiré la création de ce nouveau festival ?

FLIP : L’année dernière, nous nous sommes retrouvées toutes les quatre lors d’un salon de sciences humaines et sociales à Paris. Non seulement les structures indépendantes y étaient assez peu représentées, mais surtout, nous avons remarqué que ce type de manifestation était sur-concentré dans la capitale. Ce qui est assez injuste pour les maisons d’édition qui n’ont pas la possibilité de s’y rendre. Nous nous sommes aussi beaucoup interrogées sur les questions liées à l’indépendance éditoriale. L’ensemble de ces réflexions nous a conduites à imaginer un festival 100% indépendant, gratuit et ouvert à tous et toutes.

« Pour que nos structures survivent, il faut potentiellement favoriser l’édition indépendante »

Quelle est l’ambition de cette nouvelle proposition ?

L’idée de ce festival est avant tout de mettre en avant l’indépendance de tous les acteurs et actrices de la chaîne du livre. Nous souhaitons également sensibiliser le public à la question de la signification de cette indépendance dans un monde de forte concentration éditoriale, où de grandes fortunes font très clairement part de leurs velléités de rachats ou d’acquisition de certains acteurs indépendants.

Stand FLIP
La première édition du Festival du livre indépendant et politique s'est tenue les 17 et 18 mai à Marseille.- Photo FLIP

Justement, comment les maisons d’édition indépendantes font-elles pour maintenir leur indépendance ?

Ce n’est pas toujours facile. L’année dernière, La Dispute et les éditions Sociales ont connu des soucis de trésorerie, qui ont nécessité la mise en place d’une campagne de souscription. En tant qu’acteur indépendant, nous rencontrons des difficultés de plus en plus marquées pour obtenir le soutien des institutions qui, en principe, devraient permettre l’indépendance et la pluralité des voix. Le livre est un objet de consommation comme un autre. Si le public souhaite que nos structures survivent, il faut potentiellement favoriser l’édition indépendante aux grands groupes. Il devrait être également tout à fait possible de réfléchir à une protection spécifique pour les éditeurs et éditrices indépendantes.  

L’élan du collectif

Que signifie cette potentielle « protection spécifique » ? Avez-vous réfléchi à des pistes concrètes ?

Nous sommes souvent soumis aux mêmes contraintes que les grands groupes alors que nous n’avons pas les mêmes moyens d’action. On pourrait donc imaginer des tarifs postaux préférentiels, par exemple. Bon, ça commence mal puisqu’en juillet prochain, La Poste entend mettre un terme à son offre « Livres et brochures ». Mais il y a sûrement des choses à penser du Centre national du livre (CNL). Est-il normal qu’une institution octroie les mêmes aides à une petite maison qu'à une grande ? On pourrait faire valoir un plafond annexé au chiffre d’affaires d’une maison. À ce sujet, le critique Thierry Discepolo, qui a participé à une table ronde au FLIP et qui était déjà intervenu aux Assises de l’édition indépendante, a toute une série de propositions.

FLIP Conférences
Trois tables rondes se sont tenues durant ces deux jours de festivités, abordant l'anti-impérialisme, la concentration éditoriale, et l'internationalisme révolutionnaire.- Photo FLIP

La manifestation était gratuite pour le public. Avez-vous été soutenues financièrement par les institutions publiques ?

Nous avons créé l’événement en partant du principe que nous n’aurions rien. Les aides du CNL, par exemple, sont conditionnées à des critères que nous ne remplissions pas. Actuellement, nous échangeons avec la DRAC, dont nous tenons à souligner l’important travail malgré un budget réduit à peau de chagrin. Son soutien nous permettrait, à terme, d’éponger les frais engagés pour le déplacement des intervenants. Heureusement, nous avons été beaucoup aidées par les éditeurs et les libraires, qui ont tous accepté de venir à Marseille à leurs frais, mais aussi par la brasserie Communale et le SOMA qui nous ont donné accès à leur emplacement de façon totalement gratuite.

« Le pari est plutôt réussi »

Quel bilan tirez-vous de cette première édition ?

Dans la mesure où l'un de nos objectifs consistait à faire venir des publics moins familiers de l’objet livre, le pari est plutôt réussi. La fréquentation est difficile à quantifier, mais nous avons eu beaucoup de passage et une cinquantaine de personnes à chacune des trois tables rondes. Côté réseaux sociaux, nous avons gagné environ 300 followers sur le week-end. Un autre indicateur est celui des ventes. D’après nos estimations, les éditions ont récolté environ 20 000 euros de chiffre d’affaires cumulé. Économiquement, c’est très positif ! Au-delà de ça, le public était très présent, le format, la diversité des intervenants ont été très appréciés et des éditeurs qui n’ont pas souvent l’occasion de se rencontrer ont pu échanger dans un cadre plutôt agréable.

Stands bis FLIP
Parmi les éditeurs présents : La fabrique, Divergences, Le passager clandestin, Raisons d'agir, Wildproject...- Photo FLIP

Peut-on s’attendre à de futures prochaines éditions ?

La manifestation a été pensée pour être pérennisée. Cette année, l’événement était plutôt modeste, il nous a donc fallu faire des choix, concernant les invités notamment, qui n’ont pas toujours plu. À l’avenir, nous aimerions mettre en place un roulement pour que tout le monde puisse participer au festival à un moment donné. Le festival a été une très belle réussite et nous sommes les premières surprises de l’engouement qui lui a été porté. Beaucoup de personnes nous ont demandé si une deuxième édition aura lieu donc nous allons faire en sorte que ce soit le cas !

Affiche FLIP
Signée Léa Djeziri, l’affiche du festival a été imprimée et vendue au public. Les bénéfices récoltés sont remis au collectif Urgence Palestine. - Photo LÉA DJEZIRI/FLIP

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