Avant-Critique Roman

Maud Simonnot, "L'heure des oiseaux" (Éditions de l'Observatoire) : Contre vents et marées

Maud Simmonot - Photo OLIVIER DION

Maud Simonnot, "L'heure des oiseaux" (Éditions de l'Observatoire) : Contre vents et marées

Inspiré de faits réels, le nouveau roman de Maud Simonnot poursuit son exploration de l'enfance à travers la destinée de deux orphelins que lie un amour inconditionnel.

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Par Laëtitia Favro
Créé le 11.07.2022 à 11h00

C'est un jardin en fleurs baigné par la mer. C'est un bouquet trempé dans l'océan qui a le parfum de la rose et l'amertume de la vague. » Ainsi Adèle Hugo décrivait-elle l'île de Jersey où son père s'était exilé. Une île que la narratrice de ce nouveau roman de Maud Simonnot pensait à son tour faite d'« azur, de voiliers et de soleils couchants », mais où l'accueillent dès son arrivée une tempête de neige et un ciel d'« un blanc triste », à l'image des secrets enfouis dans la terre brune. Des secrets que la jeune femme entend bien exhumer pour se rapprocher de son père, placé à la fin des années 1950 dans l'orphelinat de l'île, une bâtisse lugubre en bordure de forêt dont les hauts murs « avaient dissimulé au monde la violence de ce qui se déroulait à l'intérieur ».

Trente ans après la fermeture de l'orphelinat, des ossements avaient été découverts, la presse s'était emparée du scandale en devenir et les langues s'étaient déliées. Insuffisamment néanmoins pour permettre à la jeune femme de mener à bien son enquête. « Je n'étais qu'une étrangère perturbant leur tranquillité. Une simple ornithologue à qui il était aisé d'opposer un air indifférent, quelques mots évasifs pour unique réponse. Ils avaient bien réussi à balader pendant des années policiers et journalistes en se protégeant les uns les autres, je ne les effrayais pas. » Au fil de ses échanges avec les habitants de l'île, le mystère entourant les premières années de ce père tant aimé se lève, les témoignages recueillis l'aident à comprendre la « mélancolie monomaniaque » qui n'avait jamais quitté l'orphelin, ni l'ensemble des orphelins qui s'ouvraient désormais à elle. « Dans mon cerveau une question tournait en boucle : combien de gens sur l'île étaient d'anciens pensionnaires de ce lieu maudit ? » L'une de ces pensionnaires se nomme Lily, « enfant lumineuse qui selon les moments ressemble à une sauvageonne ou à une reine ». Souffre-douleur des surveillants, Lily puise sa force dans le chant des oiseaux et dans son amitié avec un ermite, autoproclamé « Roi des Écréhou ». Dans sa tendresse également pour un petit garçon qu'elle prend sous son aile, et qui saura rejoindre le monde des adultes quand Lily demeurera à jamais égarée dans l'enfance.

Conte cruel empreint de poésie, L'heure des oiseaux nous retient captifs sur une île dont les paysages idylliques sont peu à peu gommés par la brutalité des faits qui s'y sont déroulés. Inspiré de l'affaire de l'orphelinat du Haut de la Garenne, le roman alterne l'enquête de sa narratrice et le quotidien de maltraitances et d'humiliations subies par Lily et son ami soixante ans plus tôt. Les pages défilent, tantôt ombrées de nuages menaçants, tantôt illuminées par une éclaircie, et on ne peut qu'être en empathie avec ces personnages brisés par leurs années d'orphelinat. L'enfance blessée était au cœur de L'enfant céleste, le premier roman de Maud Simonnot. Avec L'heure des oiseaux, l'écrivaine poursuit son exploration des forces et des vulnérabilités de cet âge où l'insouciance devrait être reine. Un sombre enchantement dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

Maud Simonnot
L'heure des oiseaux
Les Éditions de l'Observatoire
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 17 € ; 160 p.
ISBN: 9791032923146

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