Mort de l'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne

Mort de l'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne

L'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, figure emblématique de la dissidence et prix Nobel de littérature en 1970, est mort dimanche soir d'une insuffisance cardiaque. L'auteur de "L'Archipel du goulag" était âgé de 89 ans.

Par Vincy Thomas,
avec vincy thomas, avec afp Créé le 15.04.2015 à 21h00

L'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, 89 ans, grande figure de la dissidence en URSS et auteur de romans monumentaux sur les camps soviétiques tels L'Archipel du Goulag, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi à son domicile à Moscou. Il était né le 11 décembre 1918 dans le Caucase.
Le prix Nobel de littérature est décédé « à la suite d'une insuffisance cardiaque aigue » dimanche à 23h45 heure de Moscou, a déclaré son fils Stepan, cité par l'agence de presse Itar-Tass.
L'écrivain, très affaibli depuis plusieurs années, n'apparaissait plus que rarement en public. Des images télévisées le montraient alors recevant des hôtes dans sa maison de Troïtse-Lykovo, au nord-ouest de Moscou, en fauteuil roulant.

Entre prophétie et détermination


La détermination et la foi dans son dessein de celui qui fut à la fois romancier et écrivain politique ont pu être comparées à celles de Dostoïevski. Il survivra à une guerre, à un cancer et au Goulag.

Alexandre Soljenitsyne a révélé au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique dans ses ouvrages Une journée d'Ivan Denissovitch, Le premier cercle et L'Archipel du Goulag. L'ensemble de son œuvre, « une histoire démentielle de la Russie du XXe siècle » comme la définira sa femme Natalia, n'est pas complètement traduite. Son premier livre édité en France, Une journée d'Ivan Denissovitch, avait été découvert par Christian Bourgois. Depuis 2007 (voir document à télécharger en format pdf), Claude Durand, gestionnaire des droits mondiaux de l'écrivain, a regroupé chez Fayard l'ensemble des titres, à l'exception des formats poche, dispersés dans plusieurs maisons d'édition (Julliard notamment pour les premiers ouvrages).

Pendant longtemps, ses œuvres avaient été éditées clandestinement, et publiées à l'étranger, trouvaient un écho sensationnel en Occident, en pleine guerre froide. Son talent littéraire a fait l'objet de jugements divergents, certains critiques le croyant éminent sur ce plan aussi, d'autres, tel l'écrivain ex-dissident Vladimir Voïnovitch, affirmant que son génie est un « mythe ». Même politiquement, il a été constamment attaqué ou critiqué.

« Un destin unique »

Dans sa jeunesse, il adhère aux idéaux révolutionnaires du régime naissant et fait des études de mathématiques. Artilleur, il se bat courageusement contre les troupes allemandes qui attaquent l'URSS en 1941, mais il ne voit pas le danger de son côté du front. Ayant critiqué les compétences guerrières de Staline dans une lettre à un ami, il est condamné à huit ans de camp en 1945. L'expérience le marque à jamais et l'engage sur un chemin d'exception.

Libéré en 1953, quelques semaines avant la mort de Staline, il est exilé en Asie centrale et commence à écrire, puis revient dans la partie européenne de l'immense pays pour devenir enseignant à Riazan, à 200 km de Moscou.

Le nouveau maître de l'URSS, Nikita Khrouchtchev, donne son feu vert à la publication, dans la revue littéraire non-conformiste Novy Mir, d'Une Journée d'Ivan Denissovitch. Le récit sur un détenu ordinaire du Goulag paraît le 18 novembre 1962.


Prix Nobel de littérature en 1970, il a été privé de sa citoyenneté soviétique en 1974 et expulsé d'U.R.S.S..Il a alors vécu en Allemagne, en Suisse puis aux Etats-Unis, avant de revenir en Russie en 1994 après la chute de l'Union soviétique.

Un écrivain patriote et engagé

Depuis son retour sur sa terre natale, il s'était montré critique envers l'Occident et aussi envers l'évolution de la Russie post-soviétique, appelant à un retour aux valeurs morales traditionnelles. En 2006, il avait notamment accusé l'OTAN de préparer « l'encerclement total de la Russie et la perte de sa souveraineté », en « renforçant méthodiquement et avec persistance sa machine militaire dans l'est de l'Europe ».


Il appréciait néanmoins le rôle de Vladimir Poutine, Président reconverti Premier ministre et partisan du retour d'une Russie forte et fière d'elle-même, malgré son passé d'officier du KGB. Alors président, Poutine lui avait remit le Prix d'Etat le 12 juin 2007 (1) et avait «loué « alors loué celui qui a celui qui a « dédié sa vie à la patrie ». Lors de cette cérémonie, Soljénytsine avait lancé : «A la fin de ma vie, je peux espérer que le matériel historique (...) que j'ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire de mes compatriotes ». « Notre expérience nationale amère aidera, en cas de nouvelles conditions sociales instables, à nous prévenir d'échecs funestes », avait ajouté l'écrivain.

L'actuel Président Dmitri Medvedev souligne dans son hommage que « des millions de gens dans le monde lient le nom et les oeuvres d'Alexandre Issaevitch Soljenitsyne au sort de la Russie elle-même. Comme il le dit « La Russie, c'est nous-mêmes. Nous sommes sa chair et son sang, son peuple ».

Mikhaïl Gorbatchev a salué « un homme au destin unique ». « Il fut l'un des premiers à parler à voix haute du caractère inhumain du régime stalinien et de ceux qui l'ont connu mais n'ont pas été brisés. »

Il sera inhumé mercredi 6 août au cimetière du monastère Donskoï à Moscou.

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(1) http://www.livreshebdo.fr/actualites/DetailsActuRub.aspx?id=746

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