Rentrée littéraire 2021

Myriam Deniel-Ternant, « Une histoire érotique de l'Église. Quand les hommes de Dieu ont le diable au corps » (Payot) : Le diable au corps

« Anonyme, L'Abbé Maury, v. 1789, eau-forte, 15 x 8 cm, » - Photo © Collection particulière

Myriam Deniel-Ternant, « Une histoire érotique de l'Église. Quand les hommes de Dieu ont le diable au corps » (Payot) : Le diable au corps

Dans une savante et savoureuse enquête historique, Myriam Deniel-Ternant rapporte les histoires de fesses dans l'Église, de la Renaissance à la Révolution. Tirage à 4000 exemplaires.

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Par Laurent Lemire,
Créé le 03.09.2021 à 18h03

Bien plus que le titre, imposé par une collection où l'on veut tout érotiser, de Napoléon au Kremlin, c'est le sous-titre de cet ouvrage, Quand les hommes de Dieu avaient le diable au corps, qui éclaire le mieux sur son contenu. Dans son introduction, l'historienne explique que la notion d'érotisme qui apparaît au XIXe siècle n'est pas judicieuse pour qualifier les usages sexuels dans le clergé de l'Ancien Régime et qu'elle apparaît même comme « une gageure, presque anachronique ». Ce n'est donc pas une histoire érotique de l'Église, mais une histoire des écarts amoureux chez les prêtres et les nonnes, le vœu de chasteté étant souvent un vœu pieux qui conduit au pieu.

Myriam Deniel-Ternant avait déjà consacré en 2017 une étude fort passionnante - sa thèse de doctorat - aux « ecclésiastiques en débauche » au XVIIIe siècle (parue chez Champ Vallon). Elle élargit ici son champ d'investigation sur les pratiques sexuelles des religieux depuis le concile de Trente, au mitan du XVIe siècle, jusqu'à la Révolution française qui adopte la Constitution civile du clergé en 1790. Elle rappelle que « le fruit n'a pas toujours été clairement défendu » par le christianisme. La chasteté ne fait pas l'unanimité. Mais pour éviter la multiplication de ce qui est alors de plus en plus considéré comme une dérive, l'Église légifère. « Pas à pas, dans un contexte de directives pontificales convergentes, la sexualité licite des hommes de Dieu glisse dans la sphère de l'illicite, et la thématique stoïcienne de la parfaite domination de soi penche vers la thématique peccamineuse du nécessaire renoncement à soi. »

La pratique sexuelle devient interdite et clandestine. « Mettre au jour l'érotisme des clercs s'avère donc d'autant plus difficile qu'il est non seulement invisible mais théoriquement impossible. » Sauf quand ce qui devait rester caché s'affiche au grand jour en menaçant parfois le corps social dans son ensemble. Le royaume de France connaît ainsi au XVIIe siècle une vague de possessions diaboliques avec les affaires de Loudun (1632), de Louviers (1643) et d'Auxonne (1658). Au siècle suivant, pour les écrivains libertins, le passage à confesse se termine souvent en partie de fesses. Les gravures de l'époque reproduites dans le livre, plutôt lestes voire pornographiques, en témoignent. L'Église devient un lieu de fantasmes avec l'apparition de la figure du moine paillard et des abbesses confites en turpitudes. L'abbé trousseur de jupons et la religieuse enceinte font partie d'un folklore qui fait rire tant qu'il ne menace pas l'équilibre des valeurs.

Cette étude émaillée de nombreuses citations où le vice s'appuie sur le bras de la vertu fait bien comprendre comment fonctionne le cycle « interdit - transgression - fantasme ». Les voluptés ecclésiastiques sont le luxe de quelques-uns qui, en charge d'âmes, se sont trop souvent occupés de corps qui n'avaient rien de mystiques.

Myriam Deniel-Ternant
Une histoire érotique de l'Église. Quand les hommes de Dieu ont le diable au corps
Payot
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 21 € ; 336 p.
ISBN: 9782228928649

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