13 novembre > Nouvelles France

Pont de Brooklyn, New York.- Photo DR

Le magazine culturel qu’il a fondé il y a dix ans s’est fait une spécialité de mettre en valeur les auteurs étrangers, mais c’est à des écrivains français que Vincent Jaury, directeur de la rédaction de Transfuge, fan de littérature américaine, a demandé une nouvelle sur New York. Dans Le New York des écrivains, il en a ainsi réuni, avec la complicité de l’éditrice Capucine Ruat, treize parmi le meilleur de la génération quadra (dans l’ordre alphabétique et d’apparition dans le recueil : Michka Assayas, Stéphane Audeguy, Emmanuelle Bayamack-Tam, François Bégaudeau, Arno Bertina, Clémence Boulouque, Chloé Delaume, Yannick Haenel, Vincent Heim, Oriane Jeancourt Galignani, Alain Mabanckou, Christine Montalbetti et Tanguy Viel, accompagnés par les illustrations de François Olislaeger). Des écrivains Transfuge qui quand ils ne sont pas rédacteurs en chef des pages livres, comme Oriane Jeancourt-Galignani, ou chroniqueurs réguliers du journal, comme François Bégaudeau, forment un réseau d’affinités littéraires.

Ecrire, de France en 2013, sur New York tient de la commande piégée - sujet essoré, saturé de mots, d’images… -, et peu d’écrivains français s’y sont collés, observe Vincent Jaury saluant toutefois dans son introduction quelques notables prédécesseurs (Morand, Perec, Robbe-Grillet, Beigbeder). « Quel défi plus fort que de déjouer les clichés qui nous encombrent la tête ? » Ce qui semble lier les textes de ce projet est d’ailleurs bien en premier lieu le désir de se dégager de l’emprise magnétique du fantasme. Cet « à nous deux, New York » a ainsi un côté assez cérébral, distancié : la confrontation est un décalage voire un contournement. Et au moment de s’attaquer à l’ascension de l’Empire State Building par la face nord, la bande-son ressemble moins à l’interprétation conquérante de New York New York par Lisa Minelli qu’à sa reprise par une Carey Mulligan désabusée dans Shame de Steve McQueen, les paroles de cet hymne jalonnant le début de « A North Brother Island, la cuisine est typique », la nouvelle de la toujours surprenante Chloé Delaume. New York en chair et en os peut ainsi n’apparaître qu’anecdotiquement comme dans « The great Melville » de Yannick Haenel où l’auteur d’un scénario inspiré de la vie d’Herman Melville donne rendez-vous à son idole Michael Cimino devant Le cavalier polonais de Rembrandt, une toile exposée à la Frick Collection, maison-musée construite sur Central Park par le magnat de l’acier collectionneur dont la vie inspire Stéphane Audeguy (« Henry Clay Frick, collection »).

Alors que Bégaudeau, en bon animal social, débriefe le 11-Septembre, à Paris dans le salon de bourgeois rive gauche, Clémence Boulouque, qui, elle, vit dans la place, propose la visite la plus précisément géographique : dans « Le quadrillage des rêves », une princesse en espadrilles remonte Manhattan à pied du sud au nord, en s’arrêtant dans des boutiques de voyance. « “Donc : New York” », pose Tanguy Viel qui paraît un peu intimidé devant « le texte qu’[il] aurai[t] voulu écrire ». « Avec quel matériau alors construire mon histoire ? » s’interroge une Christine Montalbetti sans souvenir, qui improvise une fiction en cadavre exquis à partir de la lecture du New Yorker. Exercice redoutable que d’actualiser une mythologie. Mais énergisant aussi bien.

Véronique Rossignol

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