9 janvier > roman Etats-Unis

La dame est un cas d’école. Alors qu’une Joyce Carol Oates publie un livre à la suite de l’autre depuis ses débuts en littérature, Donna Tartt, elle, prend son temps entre chaque œuvre. L’Américaine a fait une entrée en fanfare dans les librairies françaises en 1993 avec Le maître des illusions (Plon, repris en Pocket). Un coup d’essai éclatant de plus de sept cents pages dont le manuscrit lui avait valu de toucher la somme de 450 000 dollars de son éditeur.

Il a ensuite fallu attendre dix ans le successeur d’un best-seller mondial traduit dans vingt-quatre langues : le tout aussi réussi Petit copain (Plon 2003, repris en Pocket), fort volume de six cents pages. Après plus d’une décennie à travailler sa copie, Miss Tartt revient enfin aux affaires avec Le chardonneret. Une merveille de 800 pages où planent les fantômes de Dickens et de Salinger. Le genre de roman qui vous avale dès la première ligne, vous prend en otage, vous empêche de voir le temps passer et vous délivre seulement au dernier mot.

Tout commence dans la chambre 27 d’un hôtel à Amsterdam. Gelé, malade et désœuvré, Theodore Decker a quitté New York à la hâte. Il lit les journaux habillé dans son lit, rêve de sa mère, Audrey, une brune aux yeux bleus translucides et lumineux. Elle a débarqué un jour du Kansas à Manhattan sans ami ni argent. Ancien mannequin pour catalogue de vente par correspondance grâce à son allure « d’ibis aux longues jambes », maman élevait seule son fils unique depuis la défection d’un type d’une « fiabilité zéro » : Larry, un ex-acteur de seconde zone qui a sombré dans l’alcool et pris la poudre d’escampette. Audrey appelait Theo « mon poussin », l’emmenait découvrir de vieux films avec Boris Karloff ou admirer des maîtres flamands.

La vie du héros et narrateur de Donna Tartt a basculé dans la salle 32 d’un musée new-yorkais. Il avait 13 ans et venait de tomber en arrêt devant un petit tableau, peint en 1634, représentant « un oiseau jaune sur un fond simple et pâle, enchaîné à un perchoir par sa cheville fine comme une brindille ». Ce jour-là, l’explosion d’une bombe a enlevé la vie à sa mère. Et a laissé Theo dans les gravats, en plein chaos, endolori des pieds à la tête, au milieu de corps ensanglantés.

Le pauvre a été recueilli dans l’appartement, sombre et donnant sur Park Avenue, des Barbour, les parents de son ami Andy. Theo a trouvé alors aussi refuge chez James Hobart, Hobie, le propriétaire d’une étrange boutique d’antiquités, qui restaure des meubles pour Sotheby’s et Christie’s. Puis l’adolescent avait pris le chemin de Las Vegas, retrouvé son père désormais en ménage avec une bimbo bronzée et court vêtue. Il s’y faisait traiter d’« Harry Potter » par son nouveau meilleur copain, le fantasque Boris, qui l’a initié à l’alcool et aux drogues et avec lequel il regardait les étoiles en chantant Dear Prudence des Beatles…

Impossible de résumer l’intrigue foisonnante et parfaitement menée de ce Chardonneret qui parle du manque, de la solitude, de l’attente et de l’incertitude. Et réaffirme la place majeure de Donna Tartt dans le paysage romanesque américain actuel. Alexandre Fillon

Voir aussi http://www.livreshebdo.fr/article/dona-tartt-legerie-des-meilleures-ventes

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