31 mars > Roman Chine

Nous sommes en 1931, à Shanghai, vingt ans après la destitution de Puyi, le dernier empereur de Chine, et la proclamation de la République par les nationalistes du Kuomintang, installés à Nankin. La grande ville maritime est une véritable poudrière, un mini-Etat morcelé, que se partagent les puissances occidentales, notamment la France, avec sa Concession, et les Britanniques, avec leur settlement, mais ils sont en plein "désengagement". L’immense pays, dans son ensemble, est en proie aux plus grandes turbulences, à une lutte féroce et sanglante entre les nationalistes, les communistes - qui finiront par prendre le pouvoir -, les colonisateurs occidentaux et le Japon, dictature agressive et ultramilitarisée qui guette la première occasion pour envahir et dépecer son voisin affaibli. Les Nippons passeront à l’attaque début 1932, avec la neutralité bienveillante des "Longs-Nez", au moment même où s’achève La Concession française, le deuxième roman de Xiao Bai.

Un formidable cocktail d’histoire et d’espionnage, avec des personnages exceptionnels : Xue, le jeune photographe de presse, métis franco-chinois, aussi séduisant que peu scrupuleux, menteur de génie, à la fois escroc de haut vol et auxiliaire de la police française. Un peu gigolo aussi, avec la richissime Teresa, une Russe blanche devenue trafiquante d’armes et qui mène grand train. Xue finit par aimer sa maîtresse, passionnément éprise elle aussi, tout en étant tombé amoureux de Leng, une jeune communiste de la Société des forces unies, prête à tout pour servir la cause à laquelle elle croit fanatiquement. Du moins au début.

Ces trois héros principaux vont se trouver pris au milieu d’un tourbillon d’aventures impossibles à synthétiser, d’amours, de crimes et de châtiments, contés minutieusement par le romancier, souvent heure par heure, du 19 mai 1931 au 7 février 1932. Un moment charnière où l’époque change, et où s’annonce déjà la fin des Concessions étrangères.

Xiao Bai - c’est un pseudonyme, nous dit-on chez l’éditeur, mais, pour les Chinois, changer de nom plusieurs fois dans une vie est pratique courante -, shanghaïen lui-même, connaît admirablement l’histoire de sa ville. C’est un homme protéiforme, journaliste, essayiste, businessman, traducteur et sous-titreur de films occidentaux piratés. Il est l’auteur, jusqu’à présent, de trois romans. Si les autres sont aussi brillants, drôles, littérairement érudits que celui-ci, on est impatient de les lire en français. J.-C. P.

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