Roman/Royaume-Uni 29 août Jonathan Coe

Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on être aussi vieux (50 ans, la plupart du temps...) ? Comment peut-on être aussi triste ? Comment peut-on être aussi seul ? Et surtout, comment peut-on encore être anglais ?

Telles sont les questions (à l'exception de celle du temps qui passe), hautement romanesques et générationnelles que se posait déjà Jonathan Coe dans son diptyque Bienvenue au club et Le cercle fermé (Gallimard, 2003 et 2006) où il documentait à travers le destin et les espoirs de quelques jeunes garçons, l'entrée de l'Angleterre dans le thatchérisme. On retrouve quelques-uns de ces personnages dans ce nouveau livre, formidablement ambitieux et romanesque, qu'est Le cœur de l'Angleterre ; lequel peut bien entendu se lire indépendamment de ceux qui l'ont précédé. Il est curieux d'ailleurs de noter que l'interrogation identitaire et nationale, une certaine forme de nostalgie, chez Coe bien sûr, mais aussi chez Swift, McEwan ou Barnes, semble désormais être au cœur du paysage romanesque anglais. 

De quoi s'agit-il donc ici ? De quelques années, les nôtres et, en Angleterre, de celles qui vont de la défaite aux élections du travailliste Gordon Brown au vote en faveur du Brexit, en passant par « l'ère » David Cameron. Durant ce temps, une famille, les Trotter, trois générations mêlées, fait ce qu'elle peut avec ce qu'il lui reste d'espoirs et le passage des années. Ils pourraient être sages, ils sont le plus souvent seulement tristes. Certains vivent à Londres, la plupart l'abandonnent pour retrouver les abords de leur ville natale de Birmingham ou de ce qu'il en reste. Ils ont en matière de biographies essentiellement des enfants et des divorces. Et quand même, pour l'un un roman, pour tous des boulots relativement passionnants et qui les situent sur la partie la plus aisée de la société anglaise.

Ses lecteurs savent toute la maestria romanesque qui est celle de Jonathan Coe. Elle est ici à son meilleur. Malgré la multiplicité des personnages, il n'oublie d'en « incarner » aucun, donnant à chacun une épaisseur humaine souvent constituée de chagrin et de solitude. Néanmoins, pour tous, dont on suit avec passion les plaisirs évanescents et les jours, un avenir est possible. On n'en dira pas autant de l'Angleterre.

Jonathan Coe
Le cœur de l’Angleterre - Traduit de l’anglais par Josée Kamoun
Gallimard
Tirage: 30 000 EX.
Prix: 23 euros ; 560 P.
ISBN: 9782072829529

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